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d’un tiers, propriétaire régulier en apparence, il doit se borner à des mesures conservatoires, qui respectent la jouissance de ce tiers ; donc ni scellés, ni remise des clefs, rien qu’une description de lieux pour les immeubles, un inventaire pour les meubles. Ensuite, c’est au liquidateur, s’il croit les apparences trompeuses et que le tiers n’est propriétaire que pour la congrégation, à l’attaquer en justice et à faire décider que le bien est en réalité bien détenu.

Cet arrêt, si net et si ferme, n’a eu qu’un tort, c’est d’être rendu le 20 décembre 1905. À cette date, depuis longtemps le mal était fait. Les liquidateurs avaient prétendu déposséder tous les tiers propriétaires de biens simplement « occupés ; » et leur prétention avait trouvé auprès des juges de référés, et auprès de certaines Cours, un accueil favorable. Un trouble grave avait été causé à la propriété, et une première fournée de procès, procès inutiles et qui n’auraient jamais dû naître, était sortie de cette interprétation abusive de la loi contre des citoyens.

Malheureusement, ce premier abus en entraîna tout de suite un autre : après les procès sur la prise de possession, vinrent aussitôt les procès sur la propriété. Les tiers, dépossédés, ayant subi les scellés, ayant dû remettre les clefs, ne pouvaient cependant pas se laisser dépouiller de leurs biens. Partout donc, ils assignèrent les liquidateurs en revendication : ils réclamèrent ce qui leur appartenait, en vertu des titres les plus réguliers, ce qui n’avait jamais cessé de leur appartenir. C’était le renversement des rôles. Dans une application régulière de la loi, le liquidateur, respectueux, comme cette loi, des droits des tiers, aurait pris des mesures conservatoires, puis aurait attaqué les titres qui lui paraissaient suspects. Cette procédure, outre qu’elle était encore une fois la seule régulière, avait de multiples avantages : elle laissait les tiers paisibles dans leur jouissance ; elle leur donnait, dans les procès sur les titres, le rôle de défendeurs qui est le meilleur ; enfin elle obligeait le liquidateur, avant d’engager ces procès, à examiner les titres, à reconnaître le plus souvent leur sincérité, en un mot à faire un choix, et le nombre des procès se serait réduit certainement à un petit nombre. C’était la vérité juridique ; c’était l’intérêt de tous ces citoyens étrangers aux congrégations ; c’était l’équité même. Il a été procédé au rebours de ces raisons. Dépossédés d’abord de leurs biens, les tiers ont dû bon gré mal gré prendre le rôle de demandeurs