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semblant de justification. » Dès lors que ce n’est plus la loi elle-même qu’on exécute, mais, sous prétexte de la loi, une entreprise systématique de spoliation, à l’encontre de tous ceux qui touchent ou ont touché à la congrégation, il n’est point de limites à l’arbitraire ou à la fantaisie juridique, la pire de toutes. Avant tout, on résiste, on plaide.

Si tous les congréganistes n’avaient pas la fortune de l’abbé D…, un très grand nombre, en entrant dans leur ordre, avaient dû fournir ce qu’on appelle l’aumône ou la dot moniale. Les congrégations dissoutes, ils en ont demandé la restitution. Ces dots ne rentraient pas dans la catégorie des biens personnels, et la loi de 1901 n’en disait rien. Mais le droit commun avait fixé leur caractère qui est des plus simples : le congréganiste a passé avec la congrégation un de ces contrats, que la langue du droit définit « synallagmatiques » et « à titre onéreux, » c’est-à-dire où les deux parties prennent des engagemens réciproques, et où l’engagement de l’une est le prix de celui de l’autre. Le congréganiste apportait sa dot ; en retour, la congrégation promettait, le temps qu’il vivrait, de subvenir à ses besoins. Or, un tel contrat comporte cette naturelle conséquence, que si l’une des parties vient à rompre son engagement, l’autre se trouve du même coup déliée ; si la subvention n’est plus fournie, l’argent versé dont elle était le prix doit être rendu. Ce sont des principes élémentaires du droit commun, et qui s’appliquent journellement. Il suffisait de les appliquer à ce contrat du congréganiste avec la congrégation, qui n’a d’ailleurs en soi rien de religieux et qu’on rencontre fréquemment entre particuliers sous le nom de « bail à nourriture. » Du moment que la congrégation, anéantie, ne pouvait plus subvenir aux besoins du congréganiste, le contrat était résolu, et la somme versée devait être rendue. Il fallait rendre la dot moniale. Mais cette solution parut trop simple, et l’exécution de la loi était comprise de telle manière, on l’a vu pour les biens personnels, qu’une restitution à des congréganistes semblait exorbitante. Encore une fois, ce fut la lutte ; ce furent les procès à tous les degrés de juridiction. Au congréganiste qui réclamait pour lui-même, en vertu du droit commun, le remboursement de sa dot moniale, on répondit que la loi avait exclu une telle restitution : car en lui accordant sur l’actif net une pension, elle décidait qu’il n’aurait pas d’autre droit. Ce système fut accueilli par la Cour d’Agen ;