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exorbitant blesserait également l’ordre public, la morale et la loi. » Les jurisconsultes avaient fait remarquer, à propos de cet arrêt, que l’expression « Société de fait » n’était pas exacte, car la loi ne peut accepter comme telle une Société illicite. Mais, en écartant le mot et l’idée de Société, il restait un « fait, » celui des rapports de la congrégation avec les tiers, et conformément aux principes généraux du droit, c’est ce fait que la Cour suprême consacrait avec raison. La loi de 1901 a pareillement reconnu ce fait : elle a prévu que les congrégations, si longtemps libres de vivre, avaient librement accompli les actes de la vie civile, qu’elles avaient donc un passif ; et elle a prescrit que ce passif fût d’abord payé. M. Trouillot l’indiquait devant la Chambre : il parlait, dans son commentaire, des « dettes » de la congrégation. Le décret du 16 août 1901 disait : « Le liquidateur prélève sur les fonds déposés les sommes nécessaires pour payer les dettes et pourvoir aux frais de la liquidation. »

Equité, principes généraux du droit, jurisprudence, déclaration du rapporteur, texte de la loi, la tâche des liquidateurs était-elle d’engager une lutte contre ceux que toutes ces forces défendaient ? Ils l’ont ainsi compris. Et la passion qu’ils mettaient à poursuivre la victoire n’est pas moins étonnante que le système par lequel ils s’efforcèrent de l’emporter. Voici d’abord qui pose l’idée maîtresse : « Pour avoir obéi à d’étroites considérations d’équité, on a assis le crédit des congrégations, on leur a ouvert la faculté de créer un formidable passif hypothécaire qui menace aujourd’hui leur liquidation. » La Cour de cassation ainsi jugée et l’équité flétrie, c’est la logique pure qui doit faire écarter les dettes de la congrégation. Il n’importe en effet que le rapporteur de la loi et la loi même aient parlé d’un passif, si ce passif n’a pas pu naître, ainsi que le raisonnement suffit à le démontrer.

Qu’est-ce que la congrégation ? En droit, c’est le néant, c’est le « non-être, » voilà ce que tout le monde reconnaît. Dès lors, la conséquence s’impose ; le « non-être » ne peut pas contracter des engagemens, et ceux qui ont traité avec ce fantôme juridique ou avec les personnes qui s’interposaient devant lui, ont fait un acte nul : on leur a remis un titre, il est vrai, mais ce titre n’a pas plus de valeur contre la liquidation que s’il venait du premier venu, étranger aux biens liquidés sur lesquels ils veulent se faire payer. C’est en effet, poursuit-on, une autre