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chaque année. Mais comme, de par la Constitution, l’Empire n’a le droit d’emprunter qu’en vue de besoins extraordinaires, il classe sous cette rubrique l’excédent de dépenses qu’il ne veut pas alimenter par l’impôt, de peur d’exciter de trop graves mécontentemens. Aussi l’emprunt est-il, dans ses budgets, à l’état endémique : chaque année presque, depuis l’origine, a été marquée par une opération de crédit. La dette contractée ainsi en pleine paix dépasse 5 milliards de francs : elle se compose de rentes perpétuelles 3 et demi et 3 pour 100, et de bons du Trésor à cinq ans, émis récemment au taux de 4 pour 100, sans compter une Dette flottante, c’est-à-dire des bons à court terme dont le chiffre varie constamment. Ce capital relativement considérable a dû être prélevé sur l’épargne indigène, car les porteurs étrangers de rentes allemandes ne sont pas nombreux : de plus, le système d’émissions à jet continu, arrivant sur le marché à des époques souvent très inopportunes, a contribué à empêcher le classement des titres dans les portefeuilles, en tenant toujours les capitalistes sous la menace d’un afflux nouveau de rentes, dont l’offre vient déprécier le cours de celles qui ont été antérieurement souscrites. Aussi le 3 pour 100 est-il coté aux environs de 83, alors que le nôtre est à 96. Pour n’omettre aucun élément de la question, il faut ajouter que la valeur du capital, ou, en d’autres termes, le loyer de l’argent, n’est pas identique dans les deux pays, et que le simple rapprochement du cours de leurs fonds publics ne suffit pas à donner la mesure de leur crédit. L’Allemagne, pour les raisons que nous avons exposées plus haut, a par le fait de son activité économique plus intense, un besoin de capital supérieur à celui de la France : de ce chef seul, un écart entre les cotes s’explique.

Il est d’autant plus nécessaire de mettre ce point en lumière que l’impartialité nous fait un devoir de reconnaître que, si 5 milliards sont un gros chiffre pour une dette aussi jeune, ils ne constituent pas un fardeau bien lourd pour 60 millions d’habitans. Les revenus patrimoniaux de l’Empire, joints à ceux qu’il retire de ses exploitations industrielles, suffisent à eux seuls à couvrir le service de cette dette ; d’autre part, il lui serait aisé de trouver, dans l’élévation de certaines taxes existantes ou dans l’établissement d’impôts nouveaux, des ressources additionnelles considérables. Si donc on peut critiquer l’endettement rapide de l’Allemagne, on ne saurait mettre en doute sa