Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
AUGUSTE COMTE
ET
CÉLESTIN DE BLIGNIÈRES
D’APRÈS UNE CORRESPONDANCE INÉDITE

La pensée d’Auguste Comte était arrivée, vers le milieu du XIXe siècle, à sa dernière évolution. Les peuples civilisés, enseignait-il, avaient accompli leur développement historique. À la période théologique avait succédé la période métaphysique, à celle-ci la période scientifique. Le moment était venu où une religion nouvelle, la religion de l’Humanité, ayant son grand prêtre, ses apôtres et ses missionnaires, devait embrasser tout l’Occident dans l’adoration du Grand-Être. C’était, en réalité, l’homme qui s’adorait lui-même, ou, comme disait Hegel, l’homme avait fini par créer Dieu.

C’est alors que Comte entra en relations avec un disciple qui depuis longtemps le suivait de loin, et qui n’attendait que le jour où il pourrait s’approcher de lui. Célestin de Blignières avait reçu, comme son maître, une éducation très religieuse dans l’enfance. Son père, élève de l’abbé Gaultier, dirigeait une pension pour des jeunes gens qui suivaient les cours du collège Bourbon : c’était un vaste emplacement, qui s’étendait de la rue de Clichy à la rue d’Amsterdam. Célestin, né en 1823, était le second de cinq enfans, trois fils et deux filles. Une affection