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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/123

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aux mois, aux semaines et aux jours. On sait, en effet, que Comte partage l’année en treize mois d’une durée égale de vingt-huit jours, et dont les dénominations symbolisent les progrès de l’humanité depuis l’enfance jusqu’à l’âge viril, depuis Moïse et Homère jusqu’à Descartes et à Bichat. Chaque mois, chaque semaine, chaque jour est placé sous l’invocation d’un grand nom, et doit nous inspirer « le désir d’éterniser à notre tour notre existence par notre incorporation au Grand-Etre[1]. »

La religion de l’Humanité devait mettre un terme à l’« anarchie intellectuelle, » cause première des déchiremens politiques. Comte avait applaudi à la révolution de 1848 ; mais il était trop arrêté dans ses principes, trop peu porté aux concessions, pour s’entendre avec aucun des partis qui prétendaient au gouvernement. Dans sa seconde lettre à Célestin de Blignières, datée du 16 Moïse 63 (16 janvier 1851), il lui annonce qu’il va constituer le positivisme en un parti distinct, également opposé aux socialistes, aux conservateurs et aux républicains purs.


Ce parti positiviste ne doit pas ménager davantage les rouges que les blancs et les bleus, et seulement s’efforcer de rallier tout ce qu’il y a d’honnête et de sensé dans ces trois factions, toutes trois à peu près également anarchiques et rétrogrades à la fois. Son caractère propre consiste dans la conciliation fondamentale entre l’ordre et le progrès, pour terminer la révolution par une construction décisive, fondée sur la religion de l’Humanité.


Blignières venait d’être attaché à l’arsenal de Douai. Comte lui donna une lettre de recommandation pour une dame de la ville, favorable au positivisme, un de ces apôtres féminins sur lesquels il comptait beaucoup pour l’expansion de sa doctrine. Dans sa lettre, il présentait de Blignières comme l’un de ses meilleurs élèves d’autrefois, devenu l’un de ses principaux disciples ; et il ajoutait : « Une rare combinaison du cœur avec l’esprit et le caractère vous offrira, j’espère, chez lui, sous un excès de réserve, une de ces belles natures que votre sexe apprécie mieux que nous et perfectionne davantage. » Comte ne cessait de dire à son disciple que son dernier perfectionnement ne lui viendrait que d’un commerce assidu avec « le sexe affectif. »

L’auteur d’une rénovation sociale qui devait mettre fin à « la

  1. Discours sur l’ensemble du positivisme, Paris, 1848 ; conclusion générale.