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des lavoirs ; il y en a qui exploitent une flottille de bateaux-mouches, comme Londres, des bacs à vapeur, comme Birkenhead, un grand canal maritime, comme Manchester. Que ne fait pas, à dire vrai, une ville anglaise qui se respecte pour le bien-être de ses habitans ! Aux bébés elle distribue du lait stérilisé, comme à Liverpool, quitte à entretenir, comme à Nottingham, une vacherie municipale. Aux gourmets Colchester vend des huîtres. Manchester fournit aux industriels la force motrice. Wolverhampton vend de la glace aux commerçans. Glasgow blanchit le linge de ses cliens. Torquay élève des lapins. Tunbridge Wells cultive le houblon et les betteraves. En maint endroit, les sans-travail peuvent aller frapper à la porte d’un bureau de placement municipal, les sans-gîte à celle d’un lodging house non moins municipal. Bradford tient un hôtel à voyageurs. Nombre de villes font le prêt sur gages et l’assurance contre le feu ; d’autres font la banque, reçoivent des dépôts à intérêts. Etendant le cercle de leurs affaires, certaines municipalités vendent leurs services aux municipalités voisines ; Manchester fournit à tout un district l’eau du lac Thirlmere. Dans un autre ordre d’idées enfin, Londres, depuis quinze ans, donne un grand exemple socialiste : le Conseil de comté a déclaré la guerre à l’« entreprise » et mis tous ses travaux en « régie ; » et c’est pourquoi, vu le prix de l’expérience, on l’a nommé « le plus grand prodigue du monde, » the world’s greatest spendthrift !

Les excès mêmes du municipalisme ne pouvaient d’ailleurs manquer d’amener à la longue une réaction. Bien que l’opinion fût en somme favorable à une tendance où l’on pouvait voir une sorte d’Impérialisme Municipal, bien que les Municipalistes exerçassent, par l’intermédiaire de la puissante Association of municipal Corporations, une grande influence au Parlement, les défenseurs de la liberté économique engagèrent courageusement la lutte, soutenus par les grands organes conservateurs, par les Chambres de commerce, par quelques-unes de ces ligues de propagande comme les Anglais savent les organiser, l’industrial Freedom League, la League for defence of Liberty and Property. Dès 1895, le propre père du socialisme municipal, M. Chamberlain, signalait bravement les dangers de la politique municipalisatrice à haute pression, et prenant à partie, de son ton gouailleur, le Conseil de comté de Londres, raillait cette assemblée « prête à tout, également disposée à ouvrir un mont-de-piété