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III

Si l’on envisage la production du roman dans la variété si abondante qu’elle a présentée au cours de ces dernières années, on aura vite fait de remarquer que la forme le plus volontiers choisie par les écrivains travaillés de tendances sociales a été le vaste tableau collectif, le roman de foules et d’ensembles. Déjà, dans Germinal, comme du reste dans presque toutes les productions d’Emile Zola, l’effort principal de l’écrivain s’est porté avec insistance sur le maniement et sur la mise en circulation des groupes nombreux de personnages, effort inusité jusqu’à lui, sauf dans telle composition de génie comme les Misérables. L’œuvre du maître de Médan est trop connue pour qu’il puisse y avoir quelque utilité à insister sur ce point. Bornons-nous à noter que, après avoir écrit ses retentissantes compilations où certaines parties demeurent solides, — précisément celles qui touchent à ces ensembles, — Zola a terminé sa carrière par des livres dont ses plus grands admirateurs eux-mêmes ont malaisément tenté de défendre l’esthétique appauvrie. Paris, Fécondité, Travail apparaissent comme des ouvrages indigestes, dans lesquels le parti pris des thèses et la superficialité de l’observation éclatent crûment et achèvent d’en amoindrir la discutable valeur artistique. Et toujours les problèmes sociaux ont hanté despotiquement la pensée de l’auteur des Rongon-Macquart, au point qu’il a fini par se perdre dans le réseau enchevêtré des théories et des expériences.

Mais déjà, au temps même où Emile Zola paraissait innover en ce sens, un mouvement se dessinait assez précis vers le roman social et vers le roman d’histoire ainsi transformé par la psychologie collective.

Ce genre, il est vrai, répond le mieux, et de la façon peut-être la plus attrayante, à toutes nos curiosités comme à la plupart des élans intellectuels ou sentimentaux qui dominent notre société contemporaine. Il prétend nous livrer, en images et en fresques imposantes, un résumé schématique de tout ce qui s’agite dans le monde de la pensée, désormais occupé presque morbidement de philosophie et de sociologie. Tantôt nous avons affaire à un ironiste plein de détachement caustique qui transcrit, en les colorant au gré de ses préférences mentales, les