prenant pour seule base de son éthique des circonstances de fait.
Son premier principe est celui de la prédominance de l’idée de famille sur l’idée d’individu. Dans la nation actuelle, issue de la Révolution, l’individu a tous les droits que le passé conférait seulement au groupe familial. A quels excès mène cette erreur ? C’est ce que l’Étape se propose de démontrer. M. Bourget a voulu établir, d’après Bonald et d’après toute l’école traditionaliste, la nécessité des règles à suivre dans l’ascension sociale qui mène les classes inférieures jusqu’au sommet, ainsi que le danger des transferts de castes trop brusques, opérés sans maturité suffisante. Non pas que M. Bourget ait songé à ramener de force et en bloc l’ancien régime avec ses divisions inexorables, et à empêcher, par principe, les migrations de classe exceptionnelles et justifiées ; il a simplement voulu montrer combien étaient salutaires les coutumes qui, dans la vieille société française, préservaient les familles des désordres que nous y voyons généralisés aujourd’hui. Ces coutumes leur assuraient la durée en les défendant elles-mêmes contre la fièvre des ascensions sociales trop rapides, tandis que de nos jours les plus dangereuses lois d’orgueil poussent l’individu à sortir de sa sphère, à dédaigner son milieu, à tendre vers un échelon qu’il est mal préparé à occuper dignement. Telle est la thèse de M. Bourget ; il l’a mise en œuvre avec l’habileté qu’on lui connaît, et il a écrit dans l’Etape le roman le plus balzacien de la littérature française depuis la disparition du grand ancêtre. Les études de caractère y sont pénétrantes, les tableaux de mœurs impressionnans et justes. Sans doute, puisqu’il s’agit d’un roman à thèse, la composition n’est pas absolument pure de tout alliage, et bien qu’il soit facile de justifier individuellement chacun des coups de théâtre qui s’y succèdent, une critique pointilleuse pourrait trouver dans leur assemblage quelque chose de conventionnel. Mais n’est-ce pas une curieuse peinture que celle de l’École Tolstoï ? Où trouver un type plus représentatif que celui de Monneron ? Quelle maîtrise n’y a-t-il pas dans le développement simultané des épisodes qui composent ce roman, dans son observation directe et puissante, dans le fourmillement des personnages ?
Le vrai bien-être pour la famille, tel est donc le premier article du credo social de M. Paul Bourget. La défense de la religion catholique s’y rattache directement parce que l’auteur voit dans l’Eglise une force nécessaire à la vie