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Hirsch, etc., mais on en a parlé surtout à propos des romans de M. Henri de Régnier. Celui-ci pourrait bien figurer comme le principal aujourd’hui, et le plus remarquable d’entre les auteurs qui écrivent surtout pour le plaisir de conter, et pour lesquels les mœurs des temps abolis, — ou même celles de l’heure présente, — servent de canevas ingénieux à des aventures narrées avec saveur, dans une langue rehaussée d’archaïsmes et entremêlée de tournures un peu « rococo, » très coquettement rajeunies. Mais il ne faudrait pas, comme on l’a fait, s’abuser jusqu’à voir une manière d’écrire nouvelle dans cette tendance à la clarté, à la netteté, à la limpidité d’inspiration et d’expression, qui distingue la plupart de ces conteurs. C’est une sorte de roman artistique, que nous apporte ce retour à la tradition française et à la réalité humaine dans la conception ; au point de vue du style, c’est la revanche des vraies traditions de notre langue, que la brutalité naturaliste, le tarabiscotage psychologique, la bizarrerie décadente et l’influence des littératures scandinaves et des fantaisies symbolistes ont pendant si longtemps déformée et adultérée. Une observation curieuse et amusée par le détail typique, une ironie un peu voilée et une sensibilité légère en sont aussi les élémens essentiels. Les figures y deviennent plus précises, plus significatives et plus originales.

M. Henri de Régnier, sans préoccupation de thèse, a principalement cultivé l’art de conter selon l’instinct français de l’élégance, en y mêlant ce quelque chose d’alerte, de spirituel, de gracieux et même d’impertinent qui est né au XVIIIe siècle. De là, sans doute, ce libertinage très vif, cette désinvolture amorale qui apparaissent dans les Trouvailles de M. Bréot, dans la Double maîtresse, dans le Mariage de minuit, dans le Passé vivant ou dans le Bon plaisir. M. Henri de Régnier a introduit dans le roman une habitude nouvelle, un attrait plein d’imprévu. S’il narre, avec ce charme d’archaïsme qu’il a réussi à se composer, des aventures du passé, en les estompant légèrement pour leur prêter couleur de mémoires, il n’omet point de les rajeunir, ni de les mettre au goût du jour. Il donne à ses héros des traits pris aux gens d’aujourd’hui, et ces traits appellent aussitôt de piquans et de significatifs rapprochemens. Si, par ailleurs, il nous introduit dans un milieu contemporain, il apporte tous ses soins à creuser profondément la psychologie de ses héros en lui prêtant quelques nuances surannées, qui les rendent