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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/210

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d’ordinaire, il cache au monde extérieur sa tendresse, sa faiblesse. La majorité des bébés japonais vivent dans une atmosphère d’affection dont le parfum les embaume jusque dans leur vieillesse. Chez les plus pauvres comme chez les gens aisés, les petits sont entourés de soins et de caresses. Leur tenue, leur aspect sont l’orgueil de la famille. Une Japonaise se dévoue entièrement à ses enfans, les baignant, veillant à faire raser leur tête, à les vêtir de couleurs brillantes. Toute mère, même dans les classes élevées de la société, nourrit son enfant ; elle le nourrit même pendant trois, quatre et cinq ans. Les étrangers qui voyagent pour la première fois au Japon sont étonnés de voir dans un train, dans un magasin, ou même dans la rue, des enfans qui déjà marchent et parlent, s’arrêter tout à coup devant leur mère pour demander et obtenir leur nourriture. J’ai souvent cherché les causes de ce dévouement maternel. On m’a répondu que c’était une habitude, ou bien que la mère ne pouvait pas entendre pleurer son enfant. Une meilleure raison me semble expliquer cette affection qui va jusqu’à l’oubli de soi ; c’est le désir d’imprimer dans le cœur de l’enfant un souvenir agréable de ses premières années et de lui inspirer des sentimens de reconnaissance. Il faut toujours se rappeler, en jugeant les choses du Japon, quelle large part la vie de famille tient dans l’éducation de l’enfant ; elle est fondée sur la piété filiale. On en voit la preuve dans les soins dévoués et affectueux donnés en toutes circonstances aux vieillards, aux incapables, aux infirmes, aux orphelins, par des parens proches ou éloignés. Il sera plus facile, en se rappelant ceci, de comprendre la réciprocité d’affection qui, depuis des siècles, existe entre parens et enfans, et cela nous aidera à concilier les anomalies qui nous paraissent si étranges au Japon.

Tout en gâtant leurs enfans, en ayant pour eux une indulgence excessive, les parens savent se faire respecter. Leur tenue, leurs manières, leur conversation sont toujours agréables. La politesse japonaise, la plus exquise du monde, est universellement reconnue pour telle. Au Japon, le langage est toujours élégant même dans l’intimité et dans toutes les classes de la société sans exception. Les enfans grandissent dans cet air ambiant et, inconsciemment, sans avoir appris, ils adoptent les mêmes formes et usages. Leur plus grande ambition est de faire comme leurs parens. Après tout, l’exemple est le meilleur maître. Les jolies