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professeurs et élèves sont plus compliqués et leur tâche est plus ardue. J’exprime ici non mes opinions personnelles, mais celles de juges compétens.

Pendant mes voyages au Japon, j’ai eu la bonne fortune de rencontrer presque tous les hommes versés dans les choses scolaires, et je suis heureux de constater que l’impression faite sur moi, étranger, correspond exactement aux opinions fondées sur l’expérience locale. J’ai trouvé un jugement d’autant plus impartial que la position de ceux qui me renseignaient était plus élevée et leurs moyens d’information plus sûrs et plus abondans. Depuis ma première visite au Japon, j’ai constaté avec plaisir quels efforts on faisait pour répandre des connaissances générales d’utilité pratique dans les coins les plus éloignés du pays. Mais, en même temps, il m’apparaissait avec évidence que le système nouveau, exclusivement consacré à l’instruction, laissait de côté, comme ne lui appartenant pas, l’éducation de la jeune génération. Le côté matériel seul était développé, le côté moral négligé.

Les premiers promoteurs du nouveau système d’éducation se désintéressaient de toute question de religion ou de conscience. Pour les élèves des écoles primaires, qui vivent chez leurs parens sous l’influence de vieilles croyances et de vieux principes, cette attitude n’offrait pas d’inconvénient. Mais elle n’a pas bon effet sur les jeunes gens qui suivent les cours supérieurs, car la plupart habitent loin de leur home, dans une ville de province ou dans la capitale. Ils sont livrés entièrement à eux-mêmes. Le collège de Sciences modernes, le célèbre Keio Gijika, le premier de son genre, fut essentiellement matérialiste dans ses tendances, et son fondateur, comme beaucoup de pédagogues au milieu du XIXe siècle, était imbu de doctrines socialistes, alors très à la mode.

Les hommes intelligens reconnurent bientôt, nous le constatons à leur honneur, l’étroitesse du système et le péril social qui en découlait. Ils n’ont pas hésité à exprimer leurs opinions librement et ont eu le courage d’en exposer le mal dans toute sa force. Plus d’un homme d’État estima que la question méritait toute son attention, et nous voyons là une preuve de la prévoyance de leur politique.

Le pays avait adopté la civilisation occidentale ou, pour être plus exact, la civilisation américaine trop hâtivement et sans