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joué un rôle principal dans les événemens que je vais m’appliquer à retracer sous l’aspect où ils me sont apparus…

Le gouvernement redoutait fort l’embarras que lui causerait la présence de Mme la duchesse de Berry en France, par la difficulté surtout de la traiter d’une manière exceptionnelle, avec les idées d’égalité révolutionnaire qui dominaient encore à cette époque. Aussi surveillait-on les côtes de Provence avec grand soin.

Cependant, tous les indices annonçaient sa présence récente à bord du Carlo-Alberto, et on sut bientôt qu’il l’avait débarquée près de Marseille dans la nuit qui avait précédé l’insurrection tentée dans cette ville, au point du jour le 30 avril, et instantanément réprimée.

Mme la duchesse de Berry, ayant réussi à écarter le duc de Blacas, chargé par le roi Charles X de la surveiller et d’arrêter l’intempestivité de ses projets, s’était embarquée près de Massa, accompagnée de quelques fidèles et d’une femme de chambre, Mlle Le Beschu, qui se fit passer pour la princesse à la Ciotat.

Plusieurs fois, le Carlo-Alberto se mit en communication avec la côte, déposant et recueillant des émissaires. Tout étant préparé, Mme la duchesse de Berry prit terre sur la plage près de Marseille.

Les premiers rayons du soleil devaient éclairer le drapeau blanc, arboré par ses partisans sur un clocher de la ville ; c’était le signal pour y entrer. Il frappa un moment ses regards, elle se mit en marche pleine d’allégresse. Mais son espérance ne dura guère, le drapeau cessa de flotter, et elle reçut avis que la tentative avait échoué.

Elle passa la journée cachée dans les rochers et fut forcée d’y bivouaquer la nuit suivante. On voulait l’engager à se rembarquer. Elle s’y montrait fort récalcitrante, et d’ailleurs il n’était point facile de regagner le Carlo-Alberto.

Un habitant de Marseille, M. de Villeneuve, dans les opinions légitimistes, mais étranger, je crois, à la conspiration, fut prévenu, par un billet, des prédicamens où se trouvait Mme la duchesse de Berry.

A la brune, il sortit de la ville en calèche, recueillit la noble fugitive, obtint des chevaux de poste au premier relais, où il en prenait souvent pour se rendre dans sa terre, et l’éloigna ainsi de la localité la plus dangereuse pour elle,