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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/296

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de Rome. Lorsqu’on songe que Doellinger, durant la première moitié de sa vie, avait dépensé contre le protestantisme son activité d’historien, l’on reste stupéfait du peu de place que tinrent ensuite dans ses préoccupations les découvertes d’un Jean-Baptiste de Rossi. C’est que désormais la pensée de Doellinger et de ses amis était à demi confisquée par un autre idéal, et cet idéal, c’était la lutte contre le romanisme et contre les idées « infaillibilistes, » dont il voulait enrayer la marche victorieuse.


VI

Dans Ignace Doellinger, l’université de Munich vénérait une gloire, et l’histoire ecclésiastique un maître. Il avait jadis pris une part insigne au réveil de l’Allemagne catholique : il avait lutté, comme publiciste et comme parlementaire, contre le despotisme religieux de l’Etat. Il avait figuré parmi les fossoyeurs du joséphisme ; et dans ce temps-là, — c’était en 1848, — on lui avait fait un renom d’ultramontain, et il l’avait accepté. Et puis en 1850, à l’assemblée catholique de Linz, dans cette Autriche où l’Eglise fêtait son émancipation, il avait tracé l’architecture d’une Eglise nationale allemande qui, dans la vaste unité romaine, aurait sa vie propre, son organisation propre, ses conciles, sa littérature, et dont l’institution serait une première étape vers la réunion des confessions chrétiennes en Allemagne : ainsi capitulerait et reculerait une certaine variété d’ « ultramontanisme, » trop soucieuse de « reléguer à l’arrière-plan les particularités des peuples et de leur imposer, comme une livrée étrangère, la formation religieuse d’une autre nation. » Les commentaires variés auxquels ce discours avait donné lieu avaient convaincu Doellinger que cette conception d’une Église allemande était loin de séduire l’unanimité des catholiques, et que dès lors l’avenir en était fragile.

Tout de suite il s’était effacé du domaine de l’action pour remonter dans les hautes régions de l’érudition ; il n’avait plus reparu dans ces congrès catholiques qu’illustrait autrefois son éloquence, et de nouvelles publications savantes avaient grandi son prestige d’historien. En revanche, sa réputation d’ultramontain était allée déclinant ; et dès 1854, certains de ses anciens amis avaient chuchoté qu’il pourrait bien devenir hérétique : le pronostic était au moins prématuré.

Doellinger, aux environs de 1860, vivait dans son cabinet