Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

apologie de la primatie papale ; et des périodiques peu suspects de complaisance pour Doellinger, tels que le Catholique de Mayence, apprécièrent la haute portée de ce volume, où Pie IX trouvait « beaucoup de bon. » Doellinger y glissait encore quelques chapitres où il reprenait le thème traité à l’Odéon. Non pas qu’il consentît à la chute de la souveraineté temporelle ; car en septembre il « donnait une joie suprême à tous les cœurs chrétiens, » suivant les expressions de la Civiltà, en affirmant, au congrès catholique de Munich, que la cause du Pape était celle du bon droit, et que si le Pape était spolié, la chrétienté, jalouse de son indépendance, devrait le restaurer. Mais à cette époque où la situation des États Romains préoccupait tous les esprits, il était impossible que Doellinger la passât sous silence dans ce livre : Église et Églises, destiné à faire connaître la papauté.

Peut-être eût-il évité beaucoup d’ennuis, moyennant une certaine délicatesse de main. C’était l’heure où l’épiscopat multipliait les souscriptions pour Pie IX, où certains protestans, Guizot en France, Léo en Allemagne, s’inclinaient devant la légitimité de la souveraineté temporelle, où la croisade pour les États du Pape avait deux chefs, qui s’appelaient Montalembert et Dupanloup. Et sur ces entrefaites Doellinger survenait, avec des pages qui pouvaient aider au procès politique de l’administration romaine. Vincke, le député prussien, assez hostile à Rome, disait à Auguste Reichensperger : « Absolvez-moi, puisqu’on principe Doellinger est d’accord avec nous. » Les propos de ce prêtre avaient un formidable écho : Napoléon se les faisait télégraphier ; l’Europe était aux écoutes. « La seconde partie de votre livre, lui écrivait Montalembert, déplaira beaucoup, non seulement à Rome, mais encore à la très grande majorité des catholiques. Je ne sais donc pas si j’aurais eu le courage d’infliger cette blessure à mon père et à mes frères. » Montalembert parlait avec son cœur ; Doellinger, qui ne s’était fait prêtre que pour avoir une occasion de cultiver la science théologique, était presque exclusivement un puissant cerveau, « une moitié d’homme, » disait de lui Bernard de Meyer, l’ancien chef du Sonderbund ; et Meyer ajoutait : « L’autre partie de la nature humaine, le cœur, le sentiment, faisait défaut à Doellinger à un degré surprenant. »

Un détail, dans son livre, devait rendre à Pie IX la blessure