portée de l’infaillibilité papale, et de montrer ainsi que le pouvoir romain ne devait pas être réputé solidaire de certaines exagérations d’ « ultramontanisme, » commises surtout par la pressa laïque, et qui souvent s’opposaient, comme des ripostes, aux irrévérences d’un « germanisme » frondeur.
Il était temps que l’école dite ultramontaine, fortifiée et rassurée par la ratification conciliaire de ses vœux les plus importans, réglât désormais ses allures sur celles de l’Eglise, et qu’à l’image de cette Eglise, renonçant à tout esprit de parti, elle se montrât sereine, sagement triomphante, et conquérante sans provocation. Il était temps que certains partisans du thomisme, rassurés par les avantages qu’ils remportaient, témoignassent à d’autres philosophes cette patience persuasive dont jadis Benoît XIV, dans sa bulle Sollicita ac provida, leur avait fait un devoir, et qu’ils apprissent de plus en plus, à l’école de saint Thomas, la « modestie, la modération, » la douceur, la charité intellectuelle, dont ce grand pape glorifie ce grand docteur.
C’est grâce au concile que les crises intellectuelles dont nous avons tracé l’épineux récit purent avoir un terme. L’Allemagne catholique redoutait le concile ; mais en fait le concile la sauva ; et le concile, l’ayant sauvée, méritait bien qu’ensuite elle souffrît à cause de lui. Jamais n’apparut avec plus de relief la souveraineté pacificatrice de l’autorité religieuse.
Au milieu des crises avaient mûri des germes de schisme : le schisme devait s’appeler le vieux catholicisme ; l’éclosion en fut lente, les destins précaires. Mais d’autres germes aussi s’étaient développés, qui devaient avoir une vitalité plus tenace ; c’étaient les germes du Culturkampf. Les argumens d’ordre théologique et canonique qui s’étaleront, quinze ans durant, dans les assemblées législatives de l’Allemagne pour justifier les vexations de l’Etat, seront empruntés, le plus souvent, aux polémiques antérieures de certains théologiens contre le Syllabus et contre le romanisme : avant même que les hommes d’État du Culturkampf n’eussent engagé la lutte, des hommes d’Eglise s’étaient rencontrés, pour leur forger d’avance un outillage intellectuel.
GEORGES GOYAU.