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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/395

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des grandes usines orientales de la nation voisine. Ils remarquent qu’un certain malaise se manifeste chez ces ouvriers des villes, et qu’ils ont les yeux fixés avec beaucoup d’intérêt sur la nouvelle prospérité de leur ancienne patrie[1]. Mais, hypnotisés par l’Ouest, comme tout le service officiel d’immigration du Canada, les agens songent naturellement à attirer vers l’Ouest ces anciens Canadiens de l’Est, et l’on rencontre, qui le croirait ? sous la plume de l’agent de Montréal, des regrets comme ceux-ci : « Tandis que beaucoup d’entre eux retournent à leurs anciens « homes » de Québec et dans l’Ontario de l’Est, un grand pourcentage dirige à présent leurs pas vers le Nord-Ouest[2]. »

Un des agens officiels d’immigration, le R. Père Vachon, a osé, de son propre chef, parler du Canada dans un voyage privé qu’il fit en France, et il se risque dans son rapport annuel à en rendre compte au surintendant : « Bien que ne voyageant pas au titre officiel, je me suis fait un devoir de visiter plusieurs villages français en Bretagne et d’y donner des conférences sur l’Ouest canadien [toujours ! ], et, si j’en juge par le nombre de lettres reçues de France, j’y ai éveillé un profond intérêt pour notre pays[3]. » La politique canadienne d’immigration est à ce point anglicisée que cette avance ne reçut pas le plus petit encouragement.

Le gouvernement entretient encore dans l’Ouest canadien un grand nombre d’à gens d’émigration. Le rapport annuel de leur commissaire général, résidant à Winnipeg, contient la plus instructive appréciation des diverses nationalités européennes sous le rapport de leur faculté colonisatrice. La part de la France n’est nullement humiliante, et un pareil éloge sous la plume d’un M. Obed Smith, écrivant de Winnipeg, en anglais, au surintendant d’Ottawa, M. W. D. Scott, ne semblera certainement point partial : « Le trait caractéristique du travail de cette année a été l’arrivée d’un grand nombre de gens de France ayant avec eux leur famille, et je suis heureux de rapporter que nous avons pu leur assurer à tous de l’ouvrage avec de bons salaires, et leurs rapports devraient respirer la satisfaction pour les fins

  1. Ces Franco-Américains des États-Unis sont très attachans à suivre dans la manière dont ils se tiennent entre eux ; ils viennent de célébrer une grande victoire, ayant obtenu leur premier évoque canadien-français.
  2. Immigration, p. 140.
  3. Ibid., p. 86.