Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Immigration, qu’il est employé en dehors d’eux, c’est-à-dire directement contre eux, contre leur langue, leur foi, leurs traditions. Ils se doutent même, non sans quelque raison, qu’il est employé contre le Canada.

Si telle est en réalité la politique canadienne, et nous croyons sincèrement n’avoir rien chargé, quelles en peuvent être les causes ? et comment se fait-il que, avec l’approbation, mais sans la moindre pression de l’Angleterre, une pareille politique émane, pour une bonne part, de ces ministres canadiens, qui savent se dire au Canada si Canadiens-Français, si Français en France ? Comment ont-ils pu monter cette grande machine d’immigration si excessive et si contraire aux intérêts « français ? » Il faut sans doute en demander les motifs aux conditions générales dans lesquelles ils évoluent, conditions à la fois politiques et économiques.

Tout d’abord, il faut tenir compte de l’opportunisme à orientation anglaise, auquel ont été ou se sont crus condamnés par les circonstances les hommes politiques « français » qui, à Ottawa, parvenaient au pouvoir. L’un des plus considérables m’avouait : « A peine sommes-nous entrés dans la politique, qu’il nous faut danser sur la corde raide. » Arrivant au sommet par leur intelligence, par le vrai libéralisme politique, joint sans doute à l’intérêt, de la majorité anglaise, dont l’idéal n’est point, comme ailleurs, de brimer la minorité, — ils ont devant l’ensemble du pays, à se faire, pour ainsi dire, « pardonner leur origine, » et il est certains abandons qu’ils croient devoir consentir, en faisant observer à leurs coreligionnaires que, s’ils n’étaient pas au pouvoir, les droits de leur race seraient beaucoup plus souvent méconnus.

… A cela les intransigeans répliquent que, si les Canadiens-Français avaient affaire à un ministère uniquement anglais, ils seraient peut-être plus libres et effectivement plus forts pour revendiquer et faire respecter leurs droits, sans que leurs efforts fussent perpétuellement chloroformés par de bonnes paroles et des faveurs matérielles, et que, en définitive, servir ainsi sa race en la desservant aussi fréquemment, est bien près de la trahir.

Entre ces deux conceptions opposées de la politique canadienne, qui s’appuient chacune sur des argumens sérieux, nous