Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/405

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur cette côte, se sont, au nombre de 3 000 (conseillés on ne sait par qui), abattus soudainement sur le Canada et entassés dans la ville de Montréal. Ce fut un coup de tête, et non une émigration, comme elle doit se faire aujourd’hui, selon les rationnelles et sûres méthodes modernes. Ces pauvres gens étaient venus tellement vite qu’ils n’apprirent que de la bouche de notre dévoué consul général au Canada, M. A Kleczckowski, qu’ils s’exposaient gravement à perdre leur pension de retraite française provenant de l’« inscription maritime » à laquelle ils appartenaient pour la plupart. Et il fallut plusieurs mois d’efforts zélés à notre nouveau consul général, M. Henri Dallemagne et à ses collaborateurs pour trouver des places à quelques-uns des Saint-Pierrais au Canada, et pour en rapatrier le plus grand nombre.

La question de la législation française en fait d’émigration a donné lieu également à une discussion fort suggestive, et les précisions apportées sur ce point par la presse « nationaliste, » qui en est d’ailleurs coutumière, a remis les choses au point. Elle a publié le texte de la fameuse loi, dont le parti au pouvoir faisait sans cesse un épouvantail, en parlant toujours sans la montrer jamais. Datée du 18 juillet 1860, la loi porte tout d’abord que « nul ne peut entreprendre les opérations d’engagement ou de transport des émigrans sans l’autorisation du ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, » et les dix autres articles énumèrent un certain nombre de justes garanties en faveur des émigrans, telles que leur droit à être « transportés directement, à moins de stipulations contraires, » sage mesure édictée par d’autres pays tels que la Hollande et la Belgique.

Et c’est tout, ou plutôt il y a encore un article du Code pénal français, qui a été également brandi pour faire peur aux moineaux de la majorité et leur faire craindre une complication diplomatique entre l’Angleterre et la France : c’est l’article 405, qui punit « l’emploi de manœuvres frauduleuses pour persuader l’existence de fausses entreprises,… ou pour faire naître l’espérance ou la crainte d’un succès… »

Sous le coup de ces textes tombent manifestement les officines clandestines ou menteuses d’émigration, comme celle qui a été surprise, l’été dernier, à Tourcoing et Roubaix. On pense si les premières dépêchés elles-mêmes, qui relataient ce fait, ont été exploitées par le parti au pouvoir.

Mais les réclamations du nouveau parti canadien-français n’ont