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se pourrait donc faire que le grand parti « libéral » affaiblît le jeune parti « nationaliste » par le même procédé habile dont il a usé déjà envers le parti « conservateur, » c’est-à-dire en s’appropriant une portion de son programme.

Cette nouvelle propagande française se fera sans doute encore pour une part en faveur de l’Ouest canadien, que le gouvernement d’Ottawa a toujours en vue, avec ses 500 millions d’hectares de prairie à pourvoir, qui produisent en moyenne 19 hectolitres de blé, chacun[1]. Mais précisément parce qu’elle est française, elle fera fatalement une large part au peuplement du Canada français, c’est-à-dire de celui de l’Est, et notamment de la province de Québec. Et l’orientation particulière de cette colonisation sera heureuse pour le Canada, nous avons expliqué pourquoi ; nous ajoutons, en finissant, qu’elle le sera aussi pour les Français et pour la France.

Parmi les nombreux colons français que nous avons vus au Canada, nous en avons rencontré sans doute qui étaient satisfaits dans la grande prairie de l’Ouest, où ils ont réussi à se grouper dans les petits centres français disséminés parmi la grande masse anglo-américaine. Mais nos voyages d’études nous ont convaincu que le mieux pour les Français est de demeurer dans l’Est, une fois plus près de la France, dans cette unique région toute française, qui s’appelle modestement la province de Québec, État aussi grand que la France et l’Allemagne réunies et qui contient trois belles régions de colonisation en plein essor, c’est-à-dire pour les nommer de l’Ouest à l’Est, le Temiscamingue, le Nominingue, le Lac Saint-Jean.

Il est malheureusement telle des agences officielles de cette contrée, je l’ai constaté, qui médit des colons français ; c’est, hélas ! ou c’était… la note officielle venant d’Ottawa. Mais, après avoir été pendant plusieurs jours, de paroisse en paroisse, voir toutes les autorités locales, je les ai trouvées unanimes à se féliciter au contraire sincèrement de nos compatriotes, et à en désirer d’autres. Je suis allé frapper à chaque cabane, chez les Français du bord de la forêt vierge, je n’ai surpris que des gens heureux de leur sort, ne regrettant rien, contens de leur milieu

  1. Récolte de 1905 : 19 hectolitres et demi (chiffres donnés par le ministère de l’Agriculture et de l’Immigration du Manitoba).