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gouvernement. Le président du Conseil et les ministres des Affaires étrangères, de la Guerre et de la Marine ont eu de nombreuses conférences avec lui. Qu’en est-il résulté jusqu’ici ? Nous n’avons pas la prétention de le savoir ; mais, au temps où nous sommes, il suffit d’avoir l’habitude de lire les journaux officieux pour découvrir entre leurs lignes au moins une partie de la vérité. La manière dont le général Lyautey s’est défendu d’aller commander le corps d’expédition à Casablanca montre qu’on a eu quelque intention de l’y envoyer pour cela. Il a dit, avec beaucoup de bon sens, qu’il serait plus utile sur la frontière algérienne ; il y connaissait la situation dans tous les détails ; il y avait fait ses preuves ; nul autre ne pouvait l’y remplacer avec avantage, ne fût-ce qu’à cause de la confiance réciproque qui existe entre ses troupes et lui : à Casablanca, au contraire, il aurait un apprentissage à faire, et il n’était nullement sûr d’y réussir mieux qu’un autre. Le gouvernement lui a communiqué la correspondance du général d’Amade. Il a tout approuvé, a donné son adhésion pleine et entière à tout ce qui avait été fait et a ajouté qu’il n’aurait pas agi autrement s’il avait été chargé de diriger les opérations. Le général Lyautey a fait entendre par là qu’il désirait rester sur la frontière algérienne ; mais il est un soldat trop discipliné pour ne s’être pas mis absolument à la disposition du gouvernement.

Qu’a fait celui-ci ? Il a pris une détermination sur le caractère de laquelle nous ne saurions, dès aujourd’hui, nous prononcer. Le général d’Amade protestait qu’il n’avait pas besoin de renforts ; on lui en a expédié. Le général Lyautey aurait préféré revenir directement à Lalla-Marnia ; on l’a dirigé sur Casablanca. On l’y a envoyé dans des conditions spéciales et, assure-t-on, toutes temporaires, conjointement avec M. Regnault, notre ministre à Tanger. Ils sont chargés l’un et l’autre d’une mission politico-militaire dont nous ignorons l’objet réel. Inspection, a-t-on dit ; mais qu’est-ce que le général Lyautey et M. Regnault pourraient avoir à inspecter ? Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’ils manœuvrent ensemble, puisqu’ils se sont trouvés tous les deux à Rabat lorsque le Sultan y est venu, incident que nous rappelons sans y insister, car il nous a créé un gros embarras. Mieux aurait valu, à coup sûr, laisser le Sultan à Fez ; et qui sait si la mission nouvelle de M. Regnault et du général Lyautey n’a pas précisément pour but de chercher le meilleur moyen de l’y ramener ? En dépit des assurances contraires qu’il a multipliées à la tribune, le gouvernement a tout l’air en effet de n’avoir pas renoncé à se mêler des affaires intérieures du Maroc. On ne fera croire à