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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/514

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combats, — moins plaisans, il est vrai, — Mincio, Bucilingo, Tavernella, les avaient mis en rapports de service. D’ailleurs, divisionnaire et récemment chef de l’état-major à l’armée d’Italie, Oudinot traitait le chef de brigade comme un simple sous-ordre. Mais soldat de fortune et naguère exalté jacobin, l’ancien caporal de Médoc-Infanterie appréciait le passé politique du célèbre hussard : un cavalier, — cas extraordinaire ! — était au goût de ce fantassin.

Sans aucun souci des mouchards, il venait donc convier son compagnon d’armes à un dîner de camarades : invitation pour le jour même, à la campagne, dans la senteur des bois. Oh ! non pas un festin de Lucullus, mais un cordial repas d’amis. Absence complète de dames ; on serait entre militaires. « À ce soir, sept heures, au château de Polangis. » — « Trop honoré, mon général ! » et le colonel s’esquiva aussitôt.


De passage à Paris, Fournier n’était pourtant pas descendu à l’auberge. Il logeait, depuis six décades, près de la Cour des Messageries, dans une maison bourgeoise de la rue Notre-Dame-des-Victoires. Mais son appartement meublé n’était pour lui qu’un pied-à-terre, un simple camp volant, destiné aux visites du tailleur, du bottier, ou du « merlan » artiste capillaire. Humide, obscure et fort étroite, avec son vacarme incessant de diligences et de postillons, la rue Notre-Dame-des-Victoires offrait d’insuffisantes délices à cet inlassable batteur du pavé parisien : son quartier général était, de préférence, établi en des lieux moins moroses. Et cependant, une chambre de son garni contenait de périlleux secrets, car dans certains tiroirs d’un bureau d’acajou, il avait entassé des lettres et de la poésie.

Pour la plupart, ces lettres étaient des poulets parfumés, de tout récens billets de femmes. Bien qu’épris ardemment d’une « adorable amie, » Fournier, vraiment trop éclectique, rendait encore hommage à plusieurs autres « beautés. » Il venait même d’ébaucher, en tapinois, une galante aventure, histoire sans importance, pensait-il, mais qu’aurait pu trouver mal propre sa rancunière créole. Amourette de rencontre, la nouvelle bergère était une vieille cocote encore fort à la mode, ancienne marcheuse de l’Opéra-buffa, vertu déjà cotée aux jours du ci-devant Roi, et qui, malgré tant d’états de service, attirait toujours l’amateur. Elle avait nom Adeline, et citoyenne achalandée, recevait ses