Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/552

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peut être que celle de la Reine, et aussitôt il envoie arracher de force aux prêtresses étonnées l’image de la déesse. Il fallut bien alors donner au maréchal une leçon de mythologie, la première que de la vie il ait probablement reçue. Ce ne fut qu’après de longues explications qu’on obtint la grâce de cette pauvre Diane de carton, qui allait être mutilée. C’est ainsi que, dans ces années de troubles, les scènes les plus ridicules succédaient souvent aux plus déplorables excès.

Mais pourquoi anticiper sur le temps ? Quel triste empressement peut me porter à arriver aux époques de crises et d’humiliations ! Est-ce moi qui puis avoir hâte de quitter des souvenirs d’illusions, de bonheur ? J’étais donc heureuse ! Oui sans doute ; mais je ne l’étais pas des joies de l’enfance, et voilà ce qui plus tard a rempli ma vie de mécomptes. Car c’est avec des goûts appartenant à un autre âge que le mien, avec un orgueil excessif, une indépendance constatée, des liens de parenté affaiblis, des idées religieuses sans force, c’est en évitant le mal, mais l’évitant par fierté, craignant le blâme, mais ne le redoutant que par hauteur, que je marchais imprévoyante et présomptueuse vers des écueils couverts de fleurs. Je me demande souvent ce qui m’attirait la touchante bienveillance dont mes jeunes années étaient entourées, tandis qu’un amour-propre exalté aurait dû, ce semble, me rendre insupportable. Ne m’est-il pas permis d’essayer de répondre à cette question et, après avoir parlé sincèrement de mes défauts, de citer les qualités qui les atténuaient et même les faisaient souvent oublier ?

Je dirai d’abord que je n’ai de ma vie élevé des prétentions que lorsque j’ai pu supposer à la malveillance l’intention de les contester, et la malveillance, mes treize ans ne l’avaient point encore rencontrée. Donner le bonheur est une manière d’exercer la puissance qui a toujours eu un grand charme pour moi : aussi dans tous les temps j’ai été la meilleure possible pour mes gens, et utile, autant qu’il dépendait de moi, à tous ceux qui me montraient de la confiance en me demandant un service ou une protection. Je n’ai jamais manqué aux règles de la politesse ; j’avais senti, dès mon extrême jeunesse, qu’elle était indispensable dans la vie. Cependant, il faut l’avouer, dans certains mauvais momens, dont je ne suis pas la maîtresse, on préférerait