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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/711

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« Il y en a » disait Racine, à propos de sa Bérénice, et pour la défendre, « il y en a qui pensent que cette simplicité est une marque de peu d’invention. Ils ne songent pas qu’au contraire toute l’invention consiste à faire « quelque chose de rien. » M. Pierné compte parmi les trois ou quatre musiciens de France capables de faire ainsi. Fidèle au précepte de la sagesse antique, loin de verser à plein sac, il sème d’une main non point avare, mais légère. En cette partition de Ramuntcho, que l’art consiste dans l’invention ou dans l’arrangement, l’art est toujours sobre, et cela est délicieux. Nous voilà loin, avec cette œuvre limpide et brillante, de tant d’œuvres épaisses, pâteuses, de celles où Gounod disait que la cuiller tient debout. Elle vit de peu, cette musique. Et pourtant, elle est vivante. A tout, avec des riens, elle donne la vie. En quelques mesures chantantes, elle décrit ou résume une scène d’amour. Qu’un moustique ait mordu la lèvre de Gracieuse et que la lèvre de Ramuntcho la guérisse, pour exprimer la grâce, et le trouble aussi, de ce muet épisode, il suffira qu’un violon bourdonne comme l’insecte, et que deux ou trois accords, très graves, presque solennels, se posent comme le baiser. On citerait bien des exemples encore. Sans même parler de l’ouverture, des préludes et des entr’actes, il n’est pas jusqu’à la « musique de scène » où l’on ne trouve à tout moment une indication, un rappel mélodique, une suite d’harmonies, un de ces détails enfin qui sont à peine quelque chose, mais quelque chose pourtant qui vous touche, vous pénètre et demeure en vous.

Mais puisque au théâtre on n’écoute pas cette musique, nous l’emporterons, quand ce sera l’été, au pays d’où elle vient, d’où elle est, et qu’elle chante. Là, dans la maison blanche, aux volets bruns, que précède, à la mode basque, un atrium de platanes, le soir, quand l’ombre de la Rhune descendra sur les champs de maïs, nous relirons le roman et la partition tour à tour, et de la vérité, de la beauté de l’un et de l’autre, les choses prochaines témoigneront.


Le sujet de Prométhée est dans l’air. Sous le nom d’Oméa (celui de l’héroïne, de la consolatrice), M. Arthur Coquard a traité — par à peu près et la transportant en Perse — la légende du Titan généreux et puni. M. Colonne a fait entendre dernièrement, par la voix de Mlle Grandjean et de M. Muratore, le dernier acte de ce drame lyrique inédit. Nous devons croire que c’est le plus beau, puisque l’auteur l’a choisi, comptant qu’il nous donnerait l’idée et le désir du reste.

Un second Prométhée, un Prométhée triomphant, et ressemblant