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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/719

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courage de le dire et de voter pour l’anarchie. On n’est pas obligé d’être fonctionnaire : quand on l’est, on a certaines obligations à remplir. Il y a encore en France un certain nombre de citoyens qui ne le sont pas : je prétends qu’ils ne doivent pas être à la merci des autres. Quant à nous, messieurs, nous n’avons jamais varié sur ce point. Si une confusion s’est produite dans les esprits, nous pouvons en avoir notre part de responsabilité. Mais vous nous concéderez qu’aujourd’hui la question est bien clairement posée. La Chambre sait parfaitement ce qu’elle doit faire : elle doit choisir entre des fonctionnaires révoqués, des fonctionnaires révoltés, et le gouvernement de la République. Qu’elle prononce ! » — Nous avons résumé et condensé le discours de M. Clemenceau, mais nous en avons respecté les termes. Ce langage fait plaisir. M. Méline, M. Ribot, M. Rouvier, M. Waldeck-Rousseau en son temps, M. Jules Ferry n’en auraient pas tenu un autre. On peut être surpris de le retrouver sur les lèvres de M. Clemenceau ; mais l’esprit souffle où il veut.

Quel parti allait prendre la Chambre mise en demeure de retirer son vote de l’avant-veille ? M. Berteaux a essayé de lui faire honte de se déjuger ; il a parlé éperdument ; il a été battu autant qu’on peut l’être ; il l’a été par 311 voix contre 169. Et, par un redoublement de soumission qui était peut-être inutile, la Chambre a voté un ordre du jour de confiance dans le ministère, à la majorité de 352 voix contre 130. La majorité grossit toujours quand on sait décidément de quel côté elle est. N’importe : il aurait mieux valu que M. Clemenceau tînt dès le premier jour le langage énergique qu’il a tenu le second ; il aurait remporté la même victoire à moins de frais et sans être obligé de rudoyer son monde. Une Chambre ressemble un peu au fauve que le dompteur fait reculer, en le regardant dans les yeux, mais qui recule en grondant et se venge quand il le peut. Ce sont exercices dangereux.

Avouons toutefois qu’il y a quelque chose d’un peu comique dans la disproportion, sans cesse renouvelée, entre les grandes résolutions du groupe radical-socialiste et les résultats parlementaires qui s’ensuivent : il est bien permis à M. Clemenceau de s’en amuser un peu., Après la bataille qu’il venait de perdre, le groupe s’est réuni la rage au cœur, et ses meneurs habituels, se sentant meurtris de la défaite qu’ils venaient d’éprouver sur un terrain à la vérité fort mauvais, ont décidé de porter leur action sur un autre, mieux choisi. Ils ont donc chargé leur président, M. Dubief, d’aller voir M. le président du Conseil et de lui poser trois questions dont il ne manquerait pas de