Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/721

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des boutades heureuses ; mais ce sont des boutades ; elles ne constituent pas une action suivie.

Pourquoi donc les progressistes, sans faire aucun effort pour le soutenir, n’en font-ils non plus aucun pour le renverser ? C’est parce qu’ils ne savent pas qui le remplacerait. Ils n’ont aucune raison d’aimer M. Clemenceau, mais ils aiment encore moins M. Berteaux, et surtout M. Combes. Si M. Clemenceau venait à tomber, il semble bien qu’aujourd’hui son successeur ne serait ni M. Berteaux, ni M. Combes, car tous les deux, en cherchant à le frapper, ne se sont fait mal qu’à eux-mêmes : mais qui serait-ce ? Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? On ne voit rien. Avec une grande agitation apparente, il y a en réalité, à la Chambre, une grande inertie. Sans doute, le ministère est à la merci du moindre incident ; mais quand cet incident se produira-t-il ? Le proverbe dit qu’entre deux maux il faut choisir le moindre. On le supporte encore mieux quand on ne l’a pas choisi, et nous n’avons pas choisi M. Clemenceau.


La situation militaire au Maroc s’est améliorée d’une manière sensible à la suite des combats de ces derniers jours. Le général d’Amade a justifié la confiance que le gouvernement a mise en lui. Si ses premières opérations ont été empreintes de quelque incertitude, ces légers défauts ont été corrigés bien vite. Le général a finalement réparti ses troupes en colonnes solides, dont les mouvemens ont été heureusement combinés pour atteindre le but qu’il se proposait et, à deux reprises, il a infligé aux Chaouia des leçons qui ont dû produire sur eux quelque effet. Nous n’en dirons pas davantage, ne sachant pas encore si cet effet a été décisif : nous ne le saurons que quand nous pourrons remettre la région de Casablanca et Casablanca elle-même entre des mains chérifiennes, et nous dégager d’une aventure qui, sur ce point, ne peut nous conduire à aucun résultat utile.

La Chambre vient de se livrer à une nouvelle discussion sur les affaires du Maroc. L’occasion lui en a été fournie par une demande de crédits supplémentaires destinés à faire face à nos dépenses déjà effectuées, dépenses qui s’élèvent actuellement à 22 144 761 francs. Mais le rapporteur du projet, M. Doumer, a soin d’indiquer que ce chiffre ne comprend pas : 1° les frais de reconstitution des approvisionnemens généraux de l’armée, nécessitée par les prélèvemens qu’on a dû y faire ces derniers mois ; 2° les frais de reconstitution ou de réfection des armes et du matériel détruits ou détériorés ; 3° les dépenses pour travaux de réfection de nos navires, sans parler de la