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mais nous espérons que la France, de son côté, reconnaîtra de la même manière et respectera l’Acte d’Algésiras, pacifiquement et amicalement. » — Il serait tout à fait injuste de notre part de contredire la déclaration du prince de Bülow : le gouvernement allemand a interprété l’Acte d’Algésiras comme il devait l’être, et n’a nullement cherché jusqu’ici à l’opposer comme un obstacle, ou même comme une gêne, à notre action militaire à Casablanca. Mais son interprétation, quelle est-elle au juste ? On la trouve dans le discours de M. de Schœn, et notamment dans le paragraphe suivant : — « Il me semble que, pour l’appréciation des événemens du Maroc, il faut expliquer les points suivans. L’Acte d’Algésiras règle internationalement un terrain défini. Mais à côté de lui, il y a encore place pour des actes indépendans, de telle sorte que les puissances signataires de l’Acte international ne se dessaisissent pas du droit d’intervenir en cas d’atteinte flagrante portée à leurs droits et à leurs intérêts particuliers. » — La France a usé de ce droit dans des conditions légitimes, M. de Schœn le reconnaît ; mais il laisse entendre que le gouvernement impérial pourrait en user de même à l’occasion. Voilà pour le présent : quant à l’avenir, les ministres allemands ont déclaré qu’ils avaient confiance dans les promesses faites par le gouvernement français. « — Si nous mesurons les événemens du Maroc à l’Acte d’Algésiras, a dit M. de Schœn, nous devons constater qu’aucune violation formelle du traité de la part de la France n’a pu être constatée jusqu’à présent. » — La constatation aurait pu être faite dans des termes plus chauds, mais enfin elle est faite. Et M. de Schœn a ajouté : — « A plusieurs reprises, le gouvernement français a déclaré à la Chambre, au milieu des applaudissemens, qu’il ne poursuivait au Maroc aucune politique de conquête, qu’il ne songeait à aucun protectorat, qu’aucune expédition n’était préparée contre Fez ou Marakech, que l’action militaire n’avait d’autre but que le rétablissement de l’ordre, que l’occupation n’avait qu’un caractère provisoire, et qu’il se renfermerait exactement et correctement dans le cadre de l’Acte d’Algésiras… Le gouvernement impérial n’a aucun droit de douter de la sincérité et de la loyauté du gouvernement français. » — C’est un droit, en effet, que nous n’avons donné à personne.

Quant à la Chambre, elle a voté les crédits, comme elle devait le faire, à une grande majorité. Les socialistes seuls les ont repoussés, à la suite d’un discours où M. Jaurès a renouvelé ses déclamations habituelles, et s’est montré particulièrement dur pour nos officiers et nos soldats. La guerre a ses horreurs, mais elle a ses nécessités : M. Jaurès