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public ; mais il ne se procurerait ainsi que de faibles sommes et pour peu de temps. Si puissant que soit un banquier, il n’aurait ni la faculté, ni le goût d’immobiliser de gros capitaux, et exigerait à bref délai le remboursement de son avance ou la délivrance d’un titre qui lui permette de passer la main au public.

Il est donc indéniable que les comptes russes sont exacts et sincères ; les doutes parfois émis à cet égard dans la presse sont une légende qui ne résiste pas à un examen sérieux. Depuis l’octroi des institutions parlementaires le budget doit être voté, comme les autres actes législatifs, par la Douma et le Conseil de l’Empire, ce dernier composé aujourd’hui en partie de membres élus. À ces deux assemblées appartient aussi l’approbation définitive des comptes ; mais rien n’a été modifié dans le mécanisme du contrôle. Et c’était en effet, de toute la machine administrative, l’une des meilleures parties.

De cette masse d’argent entré dans ses coffres, qu’a fait le gouvernement du Tsar ? Qu’il l’ait passé correctement en écritures sans en rien omettre ou distraire, la chose est patente ; mais quel profit en a retiré la nation ? L’a-t-elle dépensé de manière à en tirer un revenu, avec lequel elle-même paiera les intérêts de ses emprunts ? Lorsque nous sommes entrés avec elle en relations financières plus étroites, ou même avant, par exemple à cette date du 1er janvier 1886 que j’ai choisie pour point de départ de mes investigations, la Russie était grevée d’une dette dont le total, au pair, était de S milliards 200 millions de roubles.

Ce passif provenait d’abord, pour plus de 2 milliards, d’emprunts contractés en vue d’opérations militaires, anciennes ou récentes, depuis une centaine de millions de roubles lors des guerres du Premier Empire et 630 millions à l’occasion des guerres de Crimée, de Hongrie et de Pologne, jusqu’aux 1 400 millions dont la guerre de Turquie, en 1877, avait grevé le Trésor. Ensuite une somme de 742 millions représentait le prix des terres que l’Etat, au moment de l’abolition du servage (1861), avait achetées aux nobles pour en gratifier les paysans, moyennant le paiement par ces derniers d’une redevance annuelle destinée à amortir la dette en un temps déterminé. Le reste enfin — environ 2 milliards 300 millions — avait servi à la création de chemins de fer, soit que l’Etat eût émis, pour le compte de compagnies concessionnaires, des obligations dont