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la soigner moi-même, si on n’avait pas voulu la mettre à l’abri de cette honte !… Après tout, c’est la fille de mon frère !… Et encore, c’est de Blaye que je m’occupe le moins. Mais cette pauvre Dauphine ! Oh ! mon Dieu, cette pauvre Dauphine !… si pure, si noble, si sensible à la gloire ! quelle douleur ! quelle humiliation ! voir salir ses malheurs ! Ah ! je sens tout ce qu’elle souffre, mon cœur en saigne, et je n’ose pas même le dire !

Les larmes de la Reine coulaient abondamment.

Elle ne se faisait aucune illusion sur ce prétendu mariage. Je sais pourtant que, malgré la promesse donnée de ne plus se mêler du sort de Mme la duchesse de Berry, elle essaya de tirer de cette déclaration, qui de droit annulait les prétentions à la Régence, un argument pour solliciter l’ouverture immédiate des portes de Blaye.

Mais la Reine avait contre elle le Cabinet, M. le duc d’Orléans ; je suis fâchée de l’avouer, Madame Adélaïde, et même le Roi qu’on avait enfin persuadé, et elle ne put rien obtenir. Je l’en ai vue tout à la fois désolée et courroucée.

On lui objectait qu’à peine rendue à la liberté, Mme la duchesse de Berry nierait son mariage apocryphe, prétendrait sa déclaration arrachée par la violence ; affirmerait le bruit de sa grossesse inventée, répandu, accrédité par le Cabinet des Tuileries, le traiterait de fable infâme ; trouverait le moyen d’accoucher dans un secret, dont personne ne serait dupe, mais où tout son parti l’assisterait. Et enfin que, pour mettre à couvert l’honneur impossible à sauver de la princesse, on compromettrait celui du Roi et du gouvernement français.

Tout cela se pouvait dire, quoique à tort selon moi. La Reine, accoutumée à céder, se soumit. Ce ne fut pas sans combats et elle en conserva une tristesse profonde pendant longtemps.

Je reviens à Blaye. Ici, on le comprend, je suis nécessairement livrée aux conjectures. Mais j’ai lieu de croire qu’il y avait eu un malentendu entre la princesse et ses confidens ; les communications ne pouvant être ni fréquentes, ni faciles, ni peut-être très explicites. Elle croyait avoir reçu le conseil de donner une grande publicité à une déclaration qu’on lui présentait au contraire comme une révélation secrète à confier dans un cas extrême.

Les carlistes ont avancé et soutenu que l’aveu de son état avait été fait par elle à la Reine, et qu’elle avait réclamé son