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RUSKIN ET LA VIE

II.[1]
LA MORALE ET L’ÉDUCATION


I

L’homme idéal sera donc le plus vivant. Et comment le plus vivant ? A quel trait se révélera la plénitude de sa vie ? D’abord à sa sensibilité. Là est le premier caractère de la vie, bien vague, insaisissable au plus bas de l’échelle animale, mais de plus en plus précis à mesure que monte la série des espèces. Et ce progrès se continue chez l’homme : chaque être humain s’élève en dignité à mesure que chez lui s’affine et s’accélère le sentir.

Par sentir, Ruskin entend surtout ce que nos pères admiraient dans leur « homme sensible : » puissance de passion, faculté d’être ému, spécialement « d’aimer et de haïr, de reconnaître entre ce qui est digne d’amour et ce qu’il est juste de haïr. » La vie chaude, frémissante, enthousiaste, voilà son thème, et vers 1860, cette prédication-là est neuve autant que nécessaire en pays anglais. Elle s’adresse alors au pays classique de la tristesse et de la laideur, à son âme pétrifiée par le dur positivisme utilitaire des Dombey et des Gradgrind, réduite à des automatismes de machine industrielle et de machine arithmétique,

  1. Voyez la Revue du 15 février.