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terre-plein. On boit le raki, on cause, on discute politique. Plus loin, on joue aux boules. La grosse chaleur est tombée, des bouffées d’air vif arrivent du Parnès, et c’est la détente qui suit l’oppression des jours caniculaires, la gaîté soudaine qui ranime les rues et les places engourdies de soleil, à l’heure où l’on prend le frais.

Cependant, une présence radieuse se fait sentir à travers tout l’espace, répand de la beauté sur cette liesse faubourienne et cette esplanade de pauvres : la roche dominatrice de l’Acropole, le mur d’améthyste et de cuivre rouge, où se reflète, en cette minute, l’embrasement suprême du couchant !


Elle vous fascine. On se hâte vers elle, — et l’on s’engage sur la route poudreuse qui s’intitule pompeusement Boulevard de l’Apôtre-Paul. On longe les escarpemens de l’Aréopage, — et, subitement, c’est comme si l’on pénétrait dans un autre monde.

Partout des tranchées, des excavations, des racines de murailles, des citernes béantes, toute la tristesse de la ruine travaillée par la science ! Les pierres sont en place, l’ordonnance des petites maisons exhumées est aussi nette que sur un plan. C’est aligné et propre comme une bibliothèque. L’éclairage même est terne, car, en cet endroit, les feux du crépuscule sont interceptés par les collines du Pnyx et des Muses. La dureté des premiers plans, les tons rêches des rocailles et des terrains arides exagèrent encore l’aspect rechigné de ce lieu scolaire.

Et puis on monte !… Bientôt, le haut de la citadelle se dégage, et le pinacle du grand temple frappé par toutes les flèches d’or de la lumière finissante.

Lorsque, pour la première fois, je le vis ainsi de tout près, j’eus le même battement de cœur qu’au matin de mon arrivée, en rade de Phalère. Vraiment, je le reconnaissais. Je me disais ; C’est lui ! Il est bien tel que je l’imaginais, collégien penché sur mes livres, dans l’atmosphère empestée des salles d’études ! Ma longue attente n’a pas été trompée ! Enfin ! j’allais le toucher ! Il était là, réel, et ce brillant été, c’était celui de l’Attique !…

Par-dessus les rousseurs et les pourpres de la roche séculaire, le portique tout blanc des Propylées planait avec une douceur sereine. Les colonnes doriques projetaient de grandes ombres violettes contre les parois du vestibule. De l’or fluide