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soleil africain et toutes les boues de l’Islam dans une ville propre et blanche, où on a l’illusion de la fraîcheur. Les gens sont courtois, de manières aisées ; et comme, dans presque tous les groupes, on parle notre langue, un Français peut se croire décidément en France.

Puis, tout à coup, un vieillard passe, coiffé de la calotte rouge à gland de soie, dans ses fustanelles évasées comme une jupe de ballerine, les knémides de laine blanche aux mollets. La Grèce des Pallikares vous ramène immédiatement à celle des temps antiques. On lève la tête, et, par-dessus les terrasses des hôtels et les aiguilles des cyprès, on reconnaît sans étonnement les escarpemens farouches de la grande roche violette et les édifices sacrés dont les frontons, de partout visibles, s’exaltent dans une gloire.

On comprend mieux alors la décence, le maintien digne de cette foule, son effort constamment tendu pour rejeter loin d’elle les tares secrètes de la servitude abolie. Sur cette place du Syntagma, l’Acropole préside du haut de son piédestal plus somptueux que tous les marbres de ses temples, et, naturellement, sans y penser, on tâche de se hausser jusqu’à la noblesse d’un tel témoin. Sous l’œil des morts illustres, on rêve peut-être de redevenir encore un grand peuple.

Enfin, par un éclatant après-midi de juillet, je me décidai à franchir la Porte Beulé, — l’entrée extérieure de l’Acropole, — et lorsque je me mis à gravir l’escalier romain qui conduit aux Propylées, je me sentais moins écrasé par la chaleur et le prodigieux amas de toutes ces pierres suspendues au-dessus de moi que sous le poids des admirations accumulées ici depuis des siècles par les foules anonymes et les voyageurs illustres. Saurais-je m’élever au niveau de tels enthousiasmes, ou, tout au moins, ne rien penser de messéant en un tel lieu ?

Pourtant, les marches périlleuses de cette rampe trop roide vous préparent mal au lyrisme admiratif. Des jeunes gens les escaladent d’un pied léger. Mais les personnes mûres et quelque peu empêchées d’embonpoint, — comme l’était, sans doute, l’auteur de la Vie de Jésus, lors de son séjour à Athènes, — doivent souffler péniblement pendant la montée et ne se hisser