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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/954

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précis, lucides, et MM. Louis Legrand, Guillier, Gourju, pour lesquels les questions de droit n’ont pas de secrets. Enfin, plus à gauche, M. Théodore Girard a prononcé un discours plein de force, qui était bien fait pour convaincre le Sénat du danger qu’il y avait à donner à la loi un effet rétroactif. Il ne l’a pourtant pas convaincu. La commission était représentée par son rapporteur, M. Maxime Lecomte, et par son président, M. Vallé. Les libéraux doivent quelque reconnaissance à ce dernier. Il a défendu tout le long du débat des théories qui sont loin d’être les leurs ; mais il s’est déclaré respectueux des fondations pour les morts, et sa déclaration a fait pencher la balance du côté où il se plaçait lui-même très nettement. Que dire de M. Briand ? Son talent, plein de ressources dont la subtilité avoisine parfois le sophisme, a certainement contribué à la bonne tenue de la discussion. Il a défendu, lui aussi, de bien mauvaises thèses ; mais il s’est rallié dans les meilleurs termes à l’amendement de M. Philippe Berger, à qui revient l’honneur d’avoir assuré le respect des morts.

Avant de parler de cet amendement, qui a été, en somme, le morceau capital du débat, il faut dire un mot d’un hors-d’œuvre dont M. Briand d’une part, et les orateurs de la droite de l’autre, ont longuement fatigué le Sénat. M. Briand en avait déjà fatigué la Chambre. — Ce n’est pas notre faute, a-t-il dit et répété, si nous sommes obligés de nous emparer des biens ecclésiastiques, et nous ne le faisons pas d’un cœur joyeux. Nous avons voulu les laisser à l’Église ; mais l’Église, en condamnant les associations cultuelles, a refusé de former l’organe qui devait les recueillir. Dès lors, que pouvions-nous faire ? Il a bien fallu nous résigner à garder ces biens par devers nous, c’est-à-dire à les affecter aux œuvres charitables des communes : ils sont devenus les biens des pauvres, ce qui est encore une affectation pieuse. En cela nous sommes sans reproche : tout le monde ne pourrait pas en dire autant. — Naturellement, les orateurs de la droite ont protesté contre ce langage. Ils ont expliqué que le Pape avait bien fait de s’opposer à la formation des associations cultuelles, qu’il n’avait pas pu faire autrement, que l’intérêt de la hiérarchie ecclésiastique lui avait imposé à lui-même la loi qu’à son tour il avait imposée à l’Église de France. C’est là une question très grave ; mais nous l’avons traitée en son temps, et nous n’y reviendrons pas. Il est d’ailleurs probable que, plus on la discutera, plus on amènera les uns et les autres à s’entêter dans leur opinion, sans aucun profit pour personne. Ce qui est fait est fait : on peut le regretter, on ne peut pas le