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impossibilité qui nous incombe s’étend aux communes ; le maire connaît tous ses administrés, à l’exception du curé. — Nous avons parlé des sophismes de M. Briand : en voilà un, et des mieux caractérisés. La loi de séparation a détruit les rapports officiels d’une certaine nature qui existaient auparavant entre l’Église et l’État, mais elle n’a pas supprimé l’Église aux yeux de l’État. M. Briand a dit à la Chambre que les prêtres étaient des citoyens comme les autres et qu’ils avaient les mêmes droits : nous dirons à notre tour que l’Église est une association comme une autre, qui a le droit d’exister dans les conditions prévues par la loi, et qu’il est ridicule de prétendre ignorer. Elle a cessé d’être une institution d’État ; mais cette métamorphose ne la condamne nullement à la mort civile et politique ; elle ne lui met pas au doigt un anneau de Gygès qui la rend invisible pour l’État, tandis qu’elle reste visible pour tout le monde. Il y a de nombreuses associations indépendantes de l’État, et il s’en formera toujours davantage quand la loi de 1901 sera passée dans nos mœurs. Je suppose que je fasse un legs à l’État, à un département ou à une commune, à charge pour eux de remplir une condition quelconque à l’égard d’une de ces associations : est-ce que l’État, est-ce que le département, est-ce que la commune me répondront qu’ils ne peuvent pas remplir la condition parce que l’association n’étant pas une institution d’État est imperceptible pour eux dans le temps et dans l’espace ? Ce serait une réponse digne d’une comédie du Palais-Royal ! C’est pourtant celle que fait le gouvernement au sujet de l’Église catholique. M. Clemenceau reproche quelquefois à ses adversaires, et même à ses amis, d’avoir gardé la mentalité concordataire sous le régime de la séparation. Ne conserve-t-il pas lui-même, et M. Briand ne conserve-t-il pas comme lui l’obsession du Concordat, comme s’il existait toujours et s’il avait encore besoin d’être aboli ? Pour être plus sûrs de l’abolir, nos ministres abolissent l’Église elle-même : elle n’existe plus pour eux. M. Chaumié a eu le mérite de ne pas tomber dans cette puérilité.

Il a toutefois retiré son amendement. Nous ne le lui reprochons pas ; le gouvernement voulait le combattre, il était repoussé d’avance ; les esprits inclinaient du côté de l’amendement Berger ; on s’y était donné rendez-vous. L’amendement Berger se distingue de l’amendement Chaumié en ce qu’il crée un intermédiaire entre l’État ou les communes et le curé qui doit célébrer un office pour les morts : cet intermédiaire est une société de secours mutuels. Les prêtres, — nous avons dit qu’on veut bien reconnaître qu’ils sont des citoyens comme les autres, — peuvent former, comme les autres, des sociétés de secours