splendeurs d’étalage : épaulettes, brandebourgs, sabretaches, qui fascinaient, chez le célèbre Just, les yeux de tant de cavaliers ; mais, dans les senteurs des fricots mijotans, travaillait une petite personne à la frimousse artistement pudique, à l’œillade savamment éteinte. Près d’elle, sa mère brochait et soutachait, surveillant les coups d’œil de sa fille, tandis que Basset père balayait les paliers. Or, le dragon venait s’asseoir, durant des heures entières, dans l’étroit et nauséabond réduit ; il y trouvait plaisir, délices, bonheur plus raffinés qu’en un boudoir d’Aspasie à la mode : l’heureux homme y avait rencontré un joyau, une perle fine, une Agnès à la fois virginale et sensible.
Ce frétillon de Julie Basset va jouer en notre récit un rôle de si grande importance ; elle fut, par esprit de rancune et de perversité, la cause de telles douleurs qu’un léger croquis de la demoiselle nous semble nécessaire.
Elle était Parisienne, et, plante hâtive poussée près de l’égout, n’avait pas encore atteint sa seizième année. On la disait très sage — de cette sagesse calculante qui vaut à la grisette soit un lit conjugal de boutiquier, soit un divan de courtisane. Brune ou blonde, pâle ou rosée ? nous l’ignorons. Nous savons, cependant, qu’en sa personne menue elle était gracieuse et mignonne : « Petite Julie, » l’appelle un bulletin de police. Mais volontiers, je me l’imagine pareille à ces ingénues dont la dépravation naïve et la candeur madrée amusèrent le pinceau de Greuze. Je la vois aussi dans un pimpant costume d’ouvrière en broderie, tel qu’un trottin à prétentions le portait en 1802 : fourreau de mousseline blanche, et tablier de soie bleue ; un fichu bordé de bisettes enveloppe ses maigres épaules ; les boucles de ses cheveux lui viennent caresser les sourcils. Tout en maniant l’aiguille, elle glisse vers la rue de furtifs et attirans regards ; sa voix nasille quelque romance guillerette ou sentimentale : Que ne suis-je la fougère ? … Quand le bien-aimé reviendra… On rit, on chante, et l’on fredonne… Eh ! oui, chante et fredonne, petite Julie ; mais tu sauras bientôt qu’une fois partis, les bien-aimés ne reviennent guère…
Au moral, cette infante nous est mieux connue. C’était, minaudière et menteuse, une de ces fillettes qui, grandies sous les mornifles maternelles, ont pris en horreur la soupente familiale et nourrissent au fond de leurs cœurs d’âpres concupiscences de toilettes. Son père, le citoyen Basset, sexagénaire blanchi sous