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I

Il y a quelque chose de changé en Europe depuis qu’à la Commission des Affaires étrangères de la Délégation hongroise, le baron d’Æhrenthal, ministre commun des Affaires étrangères, a prononcé l’ « exposé » de sa politique (27 janvier).

Le discours de M. d’Æhrenthal célébrait d’abord les avantages de l’entente austro-russe, puis il ajoutait :


Fidèles à notre politique balkanique, nous ne cherchons pas à faire une conquête territoriale. Dans le Balkan, notre mission est une mission de civilisation et une mission économique. Elle est d’autant plus importante que les pays balkaniques sont à la veille d’une ère de développement considérable. L’ouverture à la vie économique de l’Asie Mineure et de la Mésopotamie sera toujours considérée comme un exploit de l’esprit d’entreprise germanique. D’autres grandes nations civilisées ne travaillent pas avec moins d’ardeur à créer, dans l’Empire ottoman, de nouvelles ressources. Toutes ces entreprises, qui consistent pour la plupart en la construction de nouvelles et très importantes lignes ferrées, — peu importe que celles-ci soient tracées de l’Ouest à l’Est ou inversement, — visent un grand but : établir, par la voie de Constantinople et des Détroits, un colossal échange de bienfaits économiques entre l’Occident et l’Orient. Il est évident que, de ce chef, les pays situés au-delà de Constantinople sont destinés à acquérir une importance nouvelle. Mais nous sommes, nous aussi, de par la possession de la Bosnie, une puissance balkanique : notre tâche et notre devoir consistent à discerner les signes des temps et à savoir en tirer parti. Je dis cela en prévision d’une politique de chemins de fer. Par la construction des lignes des Chemins de fer orientaux jusqu’aux frontières turques et serbes, nous avons posé la base d’une évolution ultérieure. Nous songeons avant tout à prendre des mesures en vue du raccordement. Ce ne sera pas difficile de l’obtenir de la Serbie. La ligne jusqu’à Varditse est achevée, et, du côté serbe, la ligne de jonction avance également. Quant à la jonction avec Mitrovitza, l’ambassadeur marquis Pallavicini a été chargé de demandera Sa Majesté le Sultan l’autorisation en vue des études pour la construction de cette voie. J’espère fermement que le Sultan accordera sous peu cette autorisation, afin qu’un Syndicat de banques autrichiennes et hongroises puisse entreprendre les travaux du tracé.

Ce n’est qu’après l’achèvement de ces travaux qu’il sera possible de songer définitivement à l’établissement ultérieur de cette voie ferrée qui, en raison des difficultés d’exécution, exigera plusieurs années. Cette ligne d’Uvac-Mitrovitza mérite une persévérance sans conditions, parce que, non seulement elle met en contact le réseau bosniaque avec les lignes des pays voisins, mais encore nous ouvre des perspectives toutes nouvelles de voies ferrées. Lorsque le réseau bosniaque aura été rattaché aux rails ottomans, notre trafic se dirigera directement par Serajévo vers la mer Egée et la