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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/181

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M. ASQUITH
LE NOUVEAU CHEF DU CABINET ANGLAIS

Il y a trois ans, j’essayais de tracer, en quelques traits, dans le Journal des Débats, la physionomie de M. Asquith et je disais, pour justifier l’opportunité de cette esquisse : « Peut-être est-il temps de familiariser nos lecteurs avec le nom, le caractère et les idées d’un homme qui va, prochainement, monter du second rang au premier, et dont il sera beaucoup parlé d’ici à quelques années. » Je ne rappelle pas ces lignes pour m’attribuer le trop facile mérite d’une prophétie que tout le monde, en Angleterre, pouvait faire avec moi et comme moi, mais, tout au contraire, pour marquer, dès le début, que l’événement qui vient de remettre aux mains de M. Asquith la direction suprême du cabinet libéral et de la politique anglaise n’est pas un coup de théâtre, ni une surprise, mais un fait attendu par tous et escompté, si je puis dire, depuis longtemps. Mais il se produit à une heure critique et trouble de l’évolution politique, à l’un de ces carrefours de l’histoire où les partis se désagrègent pour se grouper à nouveau, où les compagnons de la veille se séparent, les uns pour retourner en arrière, les autres pour prendre les chemins de traverse, les autres pour pousser en avant et plonger dans l’inconnu. C’est dans ces momens-là que la personnalité du chef prend une importance décisive et qu’il devient plus qu’un guide, un programme vivant. M. Gladstone a été cet homme-là et l’a été, je le crains, un peu trop longtemps. Lord Randolph Churchill aspirait à ce rôle et a échoué. M. Chamberlain l’a joué pendant quelques années et s’est perdu. M. Asquith apparaît, à son tour, sur cette plate-forme étroite et vertigineuse où se tient seul, debout, le leader d’un Empire. Qui est M. Asquith et