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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/202

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Street, pour savourer et faire savourer à leurs femmes les petites vanités du pouvoir. Il est déjà en pleine bataille. La promotion de deux sous-ministres à une place dans le Cabinet et l’élévation (ce mot semblera un peu ironique ! ) de M. John Morley et de sir Henry Fowler à la pairie rendent des élections nécessaires : M. Runciman a déjà supporté victorieusement l’épreuve à Dewsbury, où, cependant, sa majorité est réduite de moitié depuis 1906.

Mais c’est sur la circonscription Nord-Ouest de Manchester, où la réélection de M. Winston Churchill est en jeu, que se concentre l’effort des trois partis (un socialiste est entré en ligne entre l’Unioniste et le Libéral). Au point de vue de l’art, c’est une des plus belles élections qu’on ait vues depuis longtemps. Non seulement elle n’a pas été interrompue par le Bank Holiday du lundi de Pâques, mais elle en a constitué la principale attraction. Je ne sais si Gladstone est mort avec l’illusion qu’en instituant le scrutin secret, il avait mis fin pour jamais aux bruyantes et pittoresques élections de jadis. Mais les voici qui revivent à Manchester. Discours, fanfares, estrades voisines d’où les orateurs se disputent la même foule comme font les pitres de la foire, caricatures, affiches, défilés symboliques, c’est un carnaval politique qui déchaîne ses folies dans la capitale du coton. M. Winston Churchill, qui parle bien, a appelé à son aide un collègue qui parle mieux encore, M. Lloyd George, le nouveau chancelier de l’Echiquier, et M. Lloyd George a débuté par ces mots caractéristiques : « On m’a prévenu qu’il est contraire à la règle qu’un membre du Cabinet vienne, dans une élection partielle, soutenir un autre membre du Cabinet. Si cette règle existe, je suis venu ici pour la violer. » Voilà qui sonne étrangement dans un pays où c’était, il y a vingt ans encore, une audace très grave que de franchir, en prononçant un discours au parlement, certaine raie rouge du tapis qui couvre l’espace vide entre le gouvernement et l’opposition ; dans un pays, dirai-je encore, où, pour donner sa démission de député, il faut solliciter le gouvernement d’un château qui n’existe plus. Dans ce mépris des puériles étiquettes, des vieilles règles immémoriales dont on a oublié l’origine et la cause, vous reconnaissez distinctement l’esprit de celui qui disait, en désignant la masse, placée sur la table devant le speaker : « Emportez ce joujou ! » Si je ne me trompe, M. Lloyd George n’a pas beaucoup plus de