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le nombre exact d’heures de travail accomplies par lui. » D’où il résulte que, si l’ouvrier cesse de travailler au bout de neuf heures, il lui sera payé neuf heures et non pas dix : de plus, il pourra être congédié, car il aura manqué au contrat qu’il avait librement accepté. C’est une garantie prise contre la brusque cessation du travail et contre le sabotage, c’est-à-dire contre le renouvellement des pratiques qui avaient obligé les patrons de recourir au lock-out.

Nous restons nécessairement dans les généralités ; mais ce que nous avons dit de l’Union et du règlement de chantier suffit à montrer ce que l’initiative prise par les patrons de la maçonnerie a d’original, et ce qu’elle aura de salutaire si elle réussit. Pourquoi ne réussirait-elle pas ? Beaucoup d’ouvriers commencent à se révolter contre la tyrannie de leurs syndicats et de la Confédération générale du travail. Ils n’osent pas encore le faire ouvertement, et peut-être ne l’oseront-ils pas de sitôt ; mais lorsqu’ils peuvent s’émanciper sans bruit, ils en saisissent volontiers l’occasion. Les injonctions syndicales ont été mal obéies dans cette dernière crise ; la majorité des ouvriers y a échappé. Sans doute le succès des patrons n’est pas complet ; mais il est réel, en dépit de quelques défections, peut-être inévitables. Il faut aussi tenir compte du fait que les entrepreneurs, pas plus que les ouvriers, ne sont pas tous syndiqués ; ceux qui ne le sont pas sont restés libres de continuer le travail et la plupart l’ont fait. Ni d’un côté, ni de l’autre, la bataille n’a été engagée sur toute la ligne : dès lors, les résultats ne pouvaient être que partiels. Néanmoins, tout fait croire que la lutte est terminée, et quelque chose y survivra, à savoir la première esquisse de l’organisation du travail hardiment tracée par les entrepreneurs de la maçonnerie. Il y a peut-être là un germe d’avenir, malgré tous les efforts qu’on ne manquera pas de faire pour l’étouffer.


Pendant que l’attention continuait de se porter du côté de Casablanca, la nouvelle du sanglant combat de Menabha est venue nous rappeler que la question marocaine a pour le moins deux faces, une à l’Ouest, qui regarde la mer, l’autre à l’Est, qui regarde l’Algérie. Nous avons peut-être un peu trop négligé la seconde pour la première. Si on nous en avait cru, nous aurions développé progressivement notre politique de frontière, » au lieu de soulever en bloc toute la question marocaine et d’aller la résoudre dans les ports de l’Océan, diplomatiquement à Rabat et militairement à Casablanca. On voit où cela nous a conduits. Nous ne savons pas com-