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ministérielle est une question de fait plus que de droit, et, ne maintînt-on pas le § 2, je serais obligé de tenir compte, dès que des Chambres existent, de leurs antipathies et de leurs sympathies. Et les ministres eux-mêmes, par suite de leurs rapports nécessaires avec elles, se trouveraient dans la nécessité d’obtenir leur confiance pour gouverner, ou de se retirer si on la leur refusait. La responsabilité ministérielle est une pratique pouvant s’introduire et exister indépendamment de tout texte constitutionnel. Au contraire, le maintien du § 1er s’impose parce qu’il est une des cinq bases votées par le peuple auxquelles il n’est possible de toucher que par plébiscite. Et ni vous, ni moi, ne voulons de plébiscite. »

Sur ces observations auxquelles Buffet ne répondit rien, le sénatus-consulte fut adopté à l’unanimité par le Conseil. L’Empereur dit alors : « Vidons notre sac, et finissons-en avec tout ce qui nous sépare ; l’article 33 n’existe plus ; il n’y a plus entre nous que la question des maires ; finissons-en. La majorité du Conseil croit que le choix des maires doit être réservé au pouvoir exécutif. » Et se tournant vers Daru : « Vous, comte Daru, vous ne pensez pas ainsi. Pouvons-nous nous entendre ? — Sire, nous ne pouvons pas retirer de notre programme un engagement formel ; mais Votre Majesté vient de se montrer si libérale que nous ne ferons pas de l’élection des maires une question de Cabinet et que nous consentons à ce qu’elle reste ouverte et résolue au gré de chacun de nous. » Buffet approuva. « Ainsi, dit encore l’Empereur en insistant fortement, nous voilà d’accord, tout à fait d’accord. » On se sépara enchanté, et j’allai au Sénat lire le projet de sénatus-consulte en présence de tous les ministres, y compris Daru et Buffet.

À ce moment, la situation du Cabinet et de l’Empereur était des plus nettes. Pas plus le souverain que ses ministres n’avaient pensé à un plébiscite actuel sur la nouvelle Constitution ; l’hypothèse même en avait été écartée sans examen. Mais tous les ministres sans exception avaient reconnu à l’Empereur : 1° la faculté de faire appel au peuple par voie de plébiscite chaque fois qu’il le jugerait nécessaire, comme conséquence de sa responsabilité ; 2° l’obligation de recourir à un plébiscite chaque fois qu’il croirait devoir prendre l’initiative réservée à lui seul de modifier le pacte fondamental. Cette faculté et cette obligation n’étaient soumises à aucun examen préalable du pouvoir législatif ; elles