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Chevandier le billet suivant : « Je vous envoie avec plaisir le résultat du Rhône. Et je défie qu’on puisse faire un seul reproche à l’administration. » Fonvielle n’avait obtenu que 7827 voix, et le candidat libéral indépendant, Mangini, était élu par 15 348 voix.

Au conseil des ministres du 13, Daru n’était pas présent. Sa démission avait été acceptée. L’Empereur vint vers moi en souriant : « Je suis heureux de l’élection du Rhône ; vous aviez raison ; votre système est le bon. » Il n’eût pas écrit ce jour-là, à Fleury, sa lettre sur les effets désastreux de la séance du 24 février. Il nous entretint de la démission de Daru sans aucune expression de regret ; on sentait en lui un véritable allégement d’être délivré de tiraillemens perpétuels.

Il nous proposa Magne en remplacement de Buffet. Je le refusai : « Nous avons assez de ces hommes usés, il faut chercher ailleurs. » Je fis accepter Segris aux Finances. J’eusse voulu le remplacer incontinent par Duruy à l’Instruction publique. L’ancien ministre était populaire même parmi les républicains, et il eût ajouté au caractère libéral de notre ministère en le décléricalisant un peu. C’est ce qui m’empêcha de réussir. Mes collègues partageaient les défiances de leurs amis catholiques contre le propagateur de l’enseignement laïque ; ils craignirent que son adjonction ne rendît décidément hostile au plébiscite le parti catholique encore hésitant. Duruy ne fut pas sans éprouver quelque déplaisir de mon échec ; néanmoins, il ne nous retira pas son concours : « Mon cher Ministre, malgré mes observations et mon vif désir de rester à l’écart, on a mis mon nom sur la liste d’où, ensuite, il a disparu, et vous avez pris la peine de m’en donner l’explication. Je vous en remercie encore. Mais cet incident prouve que, pour certaines personnes, dont j’ai eu peut-être à repousser, à la Chambre, les propositions illégales, il n’y a de force que d’un côté, où je trouve, moi, beaucoup de faiblesse, et, naturellement, elles doivent vous entraîner par là. Mon nom leur déplaît ; il fait peut-être meilleure figure auprès d’un plus grand nombre, car je me souviens d’avoir pu, avec quelques paroles, obtenir de vrais miracles. Et puisque je suis mort, une pointe d’orgueil m’est permise, et je serais sans doute fort indiscret, si je vous demandais lequel de ces conseillers officieux d’hier au soir aurait mis en mouvement des masses de 800 000 hommes pour les faire courir, non au spectacle, mais à l’école ? Cependant, il ne faut pas alarmer ces