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était alors devenu l’auxiliaire politique : « C’est faussement et mensongèrement que l’on a prétendu, après le 4 septembre 1870, que le plébiscite du 8 mai avait posé la question du maintien de la paix. Il n’a jamais posé que la question d’extension de la liberté. » Bien loin d’avoir anathématisé le plébiscite, Gambetta nous avait remerciés dans son discours du 5 avril d’avoir « empêché la prescription du suffrage universel et rendu cet hommage forcé au principe, car le plébiscite est une sanction désormais nécessaire dans les sociétés qui reposent sur le droit démocratique. » Il avait, de plus, reconnu « que la situation que nous traversions nécessitait de la part du gouvernement impérial, plus que de tout autre, un plébiscite. »

Je ne crois pas qu’il soit possible de concevoir une liberté plus illimitée que celle que nous accordâmes à la discussion du plébiscite. A la tribune, dans la presse, on put opposer la République à l’Empire, discuter, calomnier, flétrir l’origine du règne aussi bien que tous ses actes, étaler ce qu’on appelait : « le crime de décembre, la turpitude du Mexique, l’abaissement de Sadowa, la honte de Mentana. » Le nombre des réunions publiques croissait tous les jours. Du 24 avril au 2 mai il y en eut 161, dont 110 où furent nommés présidens d’honneur : Rochefort 78 fois, Mégy 51, Flourens 30. Dans ces réunions, le garde des Sceaux fut injurié de toutes manières, menacé d’assassinat, le ministère entier qualifié de « Dépotoir ; » on proposait d’écrire, sur le bulletin de vote, « le mot de Cambronne ; » le Sénat était traité de bagne et de… W.-C ; l’Empereur de voleur, brigand, filou, escroc, bandit, misérable, assassin, vampire, vieille vache, vieille botte éculée, lâche, infâme, Troppmann ; le Prince Impérial de marmot scrofuleux, galopin, petit tigre ; l’Impératrice d’Espagnole qui s’est fait épouser par un vieillard, accusée de traîner derrière elle l’Inquisition et les Jésuites ; la reine Hortense grossièrement insultée ; l’hérédité contestée, dans l’ordre politique comme dans l’ordre social ; les réformes libérales conspuées ; la Constitution de 1870 et le plébiscite traités de « coup d’Etat. » Enfin, l’Empereur fut condamné à mort comme voleur, brigand, assassin, faux monnayeur ; mais attendu que la République abolit la peine de mort, la condamnation fut réduite aux travaux forcés à perpétuité.

Des comités spéciaux se chargèrent d’ébranler la fidélité de l’armée. On ne distribuait pas les manifestes antiplébiscitaires