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VIII

Pour juger les Constitutions impériales, il faut ne pas perdre de vue que l’Empire n’a pas été une monarchie au sens consacré du mot. Quoique ayant à sa tête un empereur héréditaire, il était, par la nature de ses institutions, une république, comme l’était Venise, régie par un doge viager. Appliquer à une république une constitution véritablement monarchique, c’est la dénaturer. Il suffit au contraire de changer le premier article d’une constitution impériale, d’y écrire Président de la République au lieu d’Empereur pour avoir une constitution dans laquelle une république se mouvrait à l’aise. La Constitution de 1852 conviendrait à une république autoritaire comme celle de 1870 serait la forme excellente d’une république parlementaire.

La Constitution de 1870 a cette première qualité d’être la plus courte de toutes les Constitutions. Elle ne compte que 46 articles ; celle de 1852 en contenait douze de plus ; les Chartes de 1814 et de 1830 étaient divisées, la première en 76 articles, la seconde en 70. La Constitution de l’an VIII allait jusqu’à 95. Celle de l’an III, la plus longue, n’en renfermait pas moins de 377, et elle contenait parmi ses prescriptions celle d’être bon père et bon époux. Cette brièveté augmente la nécessité de faire des lois organiques plus nombreuses. Le droit d’appel au peuple, réservé à l’Empereur, devait être réglé dans ses détails d’exécution, ainsi que la loi électorale législative, la loi municipale, etc. Mais cela même augmentait la stabilité du pacte fondamental qui, réduit aux points essentiels, peut être soustrait aux controverses, aux changemens, et avoir de plus grandes chances de durée. Faisons maintenant fonctionner cette Constitution. Elle détruit l’omnipotence du pouvoir personnel du chef de l’État en le limitant par la responsabilité des ministres devant la Chambre. Il nomme et révoque les ministres, mais il ne peut choisir que ceux désignés par la confiance du Parlement, et il ne peut les révoquer tant que cette confiance persiste. À l’omnipotence détruite du pouvoir du chef de l’État la Constitution ne substitue pas, et ceci est son point original, l’omnipotence collective du Parlement. Toute omnipotence est une calamité ; rien dans ce monde n’existe qui ne doive être limité et contenu, et