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vice-président. Je les engageai à attendre la fin de la session, alors que nous opérerions, dans l’organisation du pouvoir, les remaniemens nécessaires : il me semblait mieux que ce qui était la conséquence de la force des choses ne parût pas la récompense accidentelle de la réussite du plébiscite. Jusque-là, il me suffirait d’exercer en fait, du consentement de Gramont, les prérogatives qui me seraient accordées, plus tard, en qualité de vice-président du Conseil. Et il fut convenu que Gramont m’enverrait les extraits des dépêches de nos ambassadeurs comme le ministre de l’intérieur m’envoyait les rapports de police.


XI

Huit jours après son arrivée au pouvoir, le 22 mai, Gramont partit de Paris pour aller à Vienne remettre en personne à l’empereur d’Autriche ses lettres de rappel. Cette démarche n’avait d’autre motif qu’un sentiment de convenance bien naturel après huit années de séjour à la cour d’Autriche, pendant lesquelles il n’avait eu qu’à se louer de François-Joseph et de ses ministres. Il n’était pas fâché non plus d’avoir un dernier entretien avec Beust, qu’il avait quitté quelques semaines auparavant (28 avril) avec l’idée d’un prochain retour. Aussitôt arrivé à Vienne, il se rendit chez le chancelier (24 mai). Après les complimens et les généralités, Beust lui dit qu’il regardait de son devoir de lui communiquer certaines circonstances sur lesquelles il avait dû garder le secret même vis-à-vis de lui. Il s’agissait d’un traité d’alliance offensive et défensive contre la Prusse. Prévoyant que tôt ou tard cette puissance essayerait d’étendre son empire sur l’Allemagne du Sud, il avait pris l’initiative d’une entente commune entre la France et l’Autriche pour la contenir dans la limite que lui assignait le traité de Prague. Il était manifeste que le temps ne travaillait pas en faveur des idées annexionnistes de Bismarck et que la paix en se prolongeant ne faisait qu’augmenter dans les États du Sud leur volonté de n’être pas absorbés. Bismarck avait un intérêt capital à arrêter l’œuvre pacifique du temps et à saisir une occasion favorable d’agir. En vue de cette éventualité, Beust avait proposé un projet de traité à trois (avec l’Italie) et chargé Metternich de conférer avec Napoléon III. Ce projet avait été l’objet de pourparlers qui duraient encore, bien qu’entamés en 1869