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avait pu me traiter comme une incapacité sans égale, il eût été le plus fourbe des hommes. Si, au lendemain d’un plébiscite libéral et parlementaire, il eût voulu faire un coup d’Etat contre le verdict populaire sollicité par lui-même, il eût été le plus imbécile des politiques. On n’a jamais commis contre la mémoire de l’Empereur un outrage pareil à ce récit. L’Empereur était loyal et sensé, et jamais il ne s’est servi contre qui que ce soit de qualifications aussi blessantes que celles mises dans sa bouche par Haussmann. Comment aurait-il dérogé à son habitude contre le courageux et dévoué ministère dont l’incapacité sans pareille, en effet, avait consisté à lui procurer les succès de l’affaire Victor Noir et du plébiscite ? Je n’ai jamais douté que ce récit ne fût une imposture. Néanmoins, je désirai connaître l’opinion de l’Impératrice et je la demandai à son fidèle et intelligent secrétaire Franceschini Pietri. Il me transmit la note suivante de l’Impératrice : « L’extrait des Mémoires que M. Ollivier vous a envoyé est aussi peu exact que la partie dans laquelle il est dit que j’étais la filleule du prince Eugène. C’est absurde ! L’Empereur a toujours été loyal et de bonne foi. Quant à moi, je ne me souviens pas d’avoir vu M. Haussmann et je n’ai ni pensé, ni aidé à renverser des ministères[1]. »

Le silence de l’Empereur est une preuve de plus de sa foi au maintien de la paix et de sa volonté de ne pas la troubler. Il considérait comme superflu d’entretenir ses ministres de négociations engagées en vue d’éventualités auxquelles il ne croyait point parce qu’il ne les souhaitait pas.


EMILE OLLIVIER.

  1. Lettre de Pietri, 31 décembre 1907.