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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 45.djvu/389

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ont déclaré, dans leurs écrits et dans leurs meetings, une guerre acharnée à l’Etat indépendant. Le Cabinet de Saint-James s’est associé à ce mouvement. Il y a deux ans et demi (pour ne pas remonter plus haut), sir Edward Grey, ministre des Affaires étrangères, chargea sir Edward Harding de présenter des observations à Bruxelles sur les abus constatés par le rapport de la Commission d’enquête et qui avaient été, depuis longtemps, dénoncés par les consuls anglais. « Le gouvernement de Sa Majesté, ajoutait-il, a constaté avec beaucoup de regret et de surprise que le rapport a été publié sans les dépositions des témoins, » et il insistait pour que cette publication fût faite d’une façon complète avec celle des travaux de la Commission des réformes. À cette sorte d’ultimatum il fut répondu, par l’organe de M. de Cuvelier, secrétaire général, « qu’aucune puissance étrangère n’avait le droit d’intervenir dans l’administration intérieure de l’Etat indépendant. Le gouvernement anglais pouvait intervenir en faveur de ses propres sujets dans le cas où les droits de ceux-ci seraient lésés au Congo, mais il n’avait pas à s’occuper des indigènes. »

L’orgueil britannique, froissé de cette réponse hautaine, se montra encore plus irrité de la lettre du 3 juin 1906 où le roi Léopold repousse d’une façon catégorique toute velléité d’ingérence dans ses affaires : à la Chambre des lords, le marquis de Lansdowne déclara, d’accord avec le gouvernement, que « l’Angleterre n’admettrait certainement pas les prétentions extraordinaires émises par le chef de l’Etat indépendant. » A la Chambre des communes, sir George Parker traita le manifeste du 3 juin de défi extraordinaire au monde civilisé. D’autres orateurs attaquèrent violemment, non le roi Léopold, monarque constitutionnel pour lequel les Anglais professent la plus vive sympathie, mais le souverain du Congo « qui leurre l’Europe comme elle ne fut jamais leurrée par aucun potentat, et qui, après s’être installé dans l’Afrique équatoriale en invoquant des motifs de civilisation et de philanthropie, y applique le plus terrible instrument d’oppression et de cruauté que le monde ait jamais connu. » Les réformes annoncées par les décrets du 3 juin furent qualifiées de leurre et de bluff. Enfin, le ministre des Affaires étrangères déclara que l’Angleterre était animée de bonnes dispositions pour la Belgique, et désirait lui faciliter l’annexion du Congo ; mais, ajouta-t-il en terminant, nous n’attendrons pas indéfiniment.