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pratiquée, non sans succès, depuis deux ans ; nous nous proposons de la continuer. Nous nous appliquerons donc, d’une part à éviter les récriminations et les ingérences intempestives dans les affaires d’Allemagne ; d’autre part à veiller à ce que l’état actuel des choses ne s’aggrave pas au préjudice de l’ordre européen et à notre propre détriment[1]. »

Ces communications, étant adressées à nos propres agens, n’étaient pas de nature à amener une discussion avec le gouvernement allemand qui, officiellement, les ignorait. Mais Daru saisit l’occasion que lui offrit Werther d’informer Bismarck lui-même de la pensée qu’il ne lui notifiait pas officiellement. Werther lui ayant dit dans une visite : « Permettez-moi, non comme ambassadeur, mais en mon nom personnel, de vous demander si vous avez été plus content du dernier discours de M. le comte de Bismarck au Parlement fédéral (contre l’annexion de Bade) que vous ne l’avez été du discours du Roi ? » Daru répondit : « Le ministre de l’Empereur ne saura rien de cette conversation puisque ce n’est plus à l’ambassadeur de Prusse que je m’adresse. Je consens d’autant plus volontiers à accepter cette situation qu’elle me met plus à l’aise pour vous dire franchement mon impression. J’ai été satisfait de voir M. le chancelier fédéral repousser l’admission du grand-duché de Bade dans la Confédération ; mais en approuvant l’acte, j’aurais cependant des réserves à faire sur le langage, et, puisque vous m’y conviez, je vous ferai connaître toute ma pensée. Voici mes observations : si M. de Bismarck en fait refuse de se prêter actuellement à l’annexion du grand-duché au territoire fédéral, il revendique son droit de l’effectuer le jour où il le jugera convenable. Il a contesté l’opportunité de cette mesure dans le moment présent, mais pour justifier son opinion, il s’est servi d’un argument qui révèle assez son arrière-pensée. Il a fait valoir les services que le grand-duché de Bade pourrait rendre à la cause commune en restant membre de l’Allemagne méridionale ; il a clairement donné à entendre que, le jour venu, il n’hésiterait pas à réunir et Bade et le reste au même centre fédéral ou unitaire. » Werther l’interrompit : « M. de Bismarck renvoyait la réalisation de ses projets à une époque éloignée ; quand plusieurs lustres se seront écoulés, autant vaudrait dire aux calendes

  1. 20 février.