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LES SALONS DE 1908
ET
LA RENAISSANCE DE L’ESTAMPE

Il y a dans la comédie espagnole, une scène assez plaisante qui s’appelle le tableau des merveilles. Un beau parleur vient à la Cour et annonce qu’il fera paraître, successivement, sur le même tableau, les plus beaux paysages et les plus beaux palais du monde. Seulement, ce spectacle n’étant fait que pour les gens de qualité, une vertu magique le dissimule aux yeux de tous ceux qui n’ont point un chiffre fatidique de quartiers de noblesse. Les grands d’Espagne verront très bien ; les autres nobles verront aussi quelque chose ; les gens de roture qui pourraient s’être faufilés à la Cour, ou les grands qui pourraient receler quelque mésalliance dans leur ascendance, ne verront rien. Le jour du spectacle arrive : toute la Cour est rangée devant une toile à peindre. L’artiste magicien explique ce qui s’y trouve représenté : c’est un port, c’est une flotte, c’est un palais, c’est un Eldorado ; ce sont toutes les merveilles du ciel et de la terre. La foule écarquille les yeux : il lui semble bien que la toile reste blanche, mais l’artiste est persuasif, les grands sont bénévoles, la suggestion du lieu agit et, après tout, nul n’a envie de passer pour un croquant. On applaudit donc sans enthousiasme un spectacle invisible.

Se souvenir de M. Rodin à propos du « tableau des