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phases inégales et que la beauté des œuvres passées d’un artiste se communique, par une sorte d’endosmose, à tout ce qui séjourne dans son atelier. Il ne faut point, non plus, lorsque le principe d’ « autorité » est expulsé successivement de tous ses anciens domaines, le recueillir à ce point dans les arts, que l’artiste qui en est pourvu soit dispensé désormais de se faire entendre et que deux ou trois vérités touchant la vertu de la « bosse » ou le caractère d’une omoplate confèrent pour toujours à qui les a dites une sorte d’infaillibilité.

Quiconque parcourt, dans cet esprit, les salles de l’avenue d’Antin, voit bien, en effet et tout de suite, que nos meilleurs maîtres ne sont point infaillibles.

Il est très rare que tous les portraits de femmes soient mauvais dans un salon parisien de peinture, comme dans un salon parisien, qui n’est pas de peinture, que toutes les femmes soient laides. C’est pourtant ce qui arrive au Salon de l’avenue d’Antin, en 1908. Les maîtres les plus connus signent de leurs noms respectés des œuvres détestables. Quelques tissus curieusement chiffonnés, des satins, des velours, des dentelles, pas un visage. Quand on a mis hors de question les vivantes causeuses de M. Prinet et le Portrait de la Comtesse de H.., par M. Dagnan, on ne voit point que nos compatriotes aient rendu justice à nos contemporaines, car ce sont des étrangers que M. Harold Speed, l’auteur de cette exquise figure sous une ombrelle lumineuse intitulée l’Eté et que M. George W. Lambert, le peintre de cet admirable groupe de femmes et d’enfans exposé dans la salle I, au n° 662. Au Salon des Champs-Elysées, on aperçoit bien, ça et là, quelques estimables portraits de femmes : les deux toiles de M. Hébert, celle de M. Bonnat, celle de M. Rivière, celle de M. Etcheverry, celle de M. William Laparra, mais rien de tout cela ne vaut ce qu’a déjà donné son auteur ou ce qu’il pourrait donner quelque jour.

Les portraits d’hommes, plus simplement posés et plus sérieusement observés par nos peintres que les portraits de femmes, portent un témoignage plus fidèle sur nos contemporains. Au Salon de l’avenue d’Antin, le graveur Bracquemond par M. Gaston La Touche et le sculpteur Bartholomé par M. Aimé Giron sont les apparitions, nobles, graves, saisissantes de deux bons ouvriers près de leur travail, rendues par deux autres ouvriers capables de les comprendre et de les faire comprendre,