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comme, au Salon des Champs-Elysées (salle 1, n" 1089), la Fête sur l’île de M. Sims, est une joie pour le sens esthétique des couleurs et des valeurs, pour l’appétit tout sensoriel des subtiles transitions ou passages de lumière, appétit qui ne peut s’enseigner ni se communiquer à qui ne l’éprouve point et qui devient, lorsque rien ne le satisfait, un tiraillement pénible et une subtile souffrance de tout notre être affamé.

Parce que cette souffrance est fréquente dans les Salons de 1908, et cette joie très rare, nous éprouvons qu’ils sont mauvais. Et, ce n’est point parce que nous les trouvons tels depuis nombre d’années qu’ils le sont moins, ni parce que cette constatation devient banale et répétée quelle est plus douteuse. A la vérité, la « moyenne » des talens n’a cessé de croître et le « pourcentage » des œuvres suffisamment dessinées, peintes ou sculptées est plus favorable aux artistes, dans les Salons du XXe siècle, que dans l’ancien Palais de l’Industrie. Mais qu’importent les « moyennes » en Art ? Ce qui importe, ce sont les sommets. L’art n’est pas une denrée dont le bon rendement moyen console de l’absence de fruits rares et précieux. Il n’est nullement utile, pour qu’il joue son rôle chez un peuple, que ses produits soient nombreux ; il suffit, mais il faut qu’ils soient parfaits. Une seule œuvre qui parvient à exprimer un de nos sentimens de manière définitive et à poser son empreinte dans notre souvenir, vue, reproduite, citée, passe dans la vie de tout le monde et ainsi émeut, console des générations sans nombre, et peut-être affine mystérieusement tout ce qui, dans une race, peut être affiné. Mais il faut, pour cela, que ce soit une œuvre puissante. Des milliers de choses qu’on oublie ne jouent pas le même rôle qu’une seule dont on se souvient. Si nous nous consolions avec elles, nous ressemblerions à un horticulteur qui, ne pouvant obtenir de chrysanthèmes, se console en constatant, d’année en année, qu’il récolte plus de pommes. La pomme peut être une chose utile, mais, non plus que cent pommes ne remplacent un seul chrysanthème, mille œuvres honorables ne remplacent un chef-d’œuvre, — le chef-d’œuvre qui manque aux Salons de 1908.


II

Il y a bien, pourtant, un art qui naît, ou, plutôt, qui renaît